Ildikó BÁRCZI
ARS COMPILANDI
Le principe de
l’encyclopédisme dans la composition des sermons au Moyen Age tardif
En examinant les catalogues d’incunables et d’imprimés
anciens des bibliothèques hongroises, on peut remarquer que, en ce qui concerne
le nombre des ouvrages, des éditions et des exemplaires, une des sections les
plus volumineuses est celle de la littérature latine des prédications. On va
voir par la suite qu’on peut compter parmi ces ouvrages non seulement les
recueils contenant des sermons rédigés, mais aussi tous les manuels, les
ouvrages de référence qui, par leur matière et leur structure, servent à la
rédaction de nouveaux recueils de sermons.
Mais la bibliographie spéciale montre que les
historiens littéraires ont rarement concentré leur attention sur la totalité de
cette matière de textes qui, du point de vue de la méthode de leur rédaction,
est homogène. La majorité des chercheurs font leur sélection en posant des
questions spéciales et particulières en ce qui concerne la totalité des
ouvrages. Ils cherchent des choses uniques, spécifiques et singulières – et
n’en trouvent guère. L’exception dans la littérature hongroise est l’essai par
Tivadar Thienemann : Les contemporains allemands de Pelbartus de Temeswar. Il
formule sa conclusion, tirée de la comparaison des sermons de Pelbartus et ceux
de Johannes Gritsch, de la manière suivante : « son titre est le même, ses matières sont les
mêmes, sa structure est la même ». Et encore plus généralisé : « Ayant mis en parallèle les sermons de Gritsch, Meffreth et Pelbartus, on
peut immédiatement voir la similitude étonnante, la constance, l’homogénéité de
l’atmosphère intellectuelle, dont ces sermons viennent. »
Donc si l’on veut saisir les caractéristiques
des ouvrages spéciaux, on trouve que ce projet est presque inachevable. Le
choix de sujet des sermons est défini par la liturgie, mais on peut observer
que les divisions et les subdivisions souvent apportent une variété des sujets
toujours plus riche. Ce qui fait la plus grande difficulté, est le fait que la
plupart des phrases contiennent des citations dont le locus n’est pas marqué
d’une façon exacte. Les autorités citées sont assez
nombreuses : en outre de la Vulgata – qui est citée le plus souvent -, les
auteurs de l’Antiquité païenne, la patristique entière, la science arabe, la
théologie scolastique, le droit canonique, les légendes hagiographes, les
chroniques, etc.
On
peut essayer de trouver les lieux originaux des auteurs avec l’aide des
éditions critiques et celles publiées désormais sur l’Internet, mais il y a
deux raisons qui rendent douteux le résultat de ces efforts immenses : de
nombreuses citations présentent un texte dégénéré ou varié, et la recherche des
lieux originaux n’aide pas à mieux comprendre la richesse des recueils
examinés.
Le
problème le plus important est de trouver la façon de traiter les textes de la compilation
qui ait pour exemple l’usage contemporain de rassembler la matière. La
recherche des recueils de sermons du Moyen Age tardif en Hongrie, leurs sources
directes et les manuels montrent que les plus importants moyens de
l’orientation dans la matière sont les TABULAE, les catalogues analytiques qui
accompagnent presque tous les ouvrages en ce temps-là. Si l’on en examine les
mots-clef et les explications contenant les citations, on peut voir que la
raison qui organise ces citations, quelle que soit leur origine, est le
mot-clef. Comme les textes des livres compilés sont assemblés avec l’aide de
ces TABULAE, le lecteur d’aujourd’hui peut sans aucune difficulté en fournir
une, cela n’exige qu’un peu d’expérience.
La
matière dans les tabulae ne peut pas être plus riche que celle du recueil, mais
les accents différents, ce qui est souligné ou oublié peut être très
caractéristique. La variété de la matière présentée dans la tabula
(c’est-à-dire son encyclopédisme) dépend souvent du choix des auteurs des
tabulae, pour la plupart anonymes.
La
comparaison de deux tabulae faites pour le même ouvrage nous mène à des
observations intéressantes. Il n’y a pas d’autre raison pour les différences
entre leurs mots clef que les intentions différentes de leurs auteurs. Les deux
auteurs de la tabula pour la Summa theologica d’Antoninus Florentinus ont
travaillé absolument indépendamment l’un de l’autre : l’auteur de la tabula
numéro 4130 (quarante-et-un -- trente) des manuscrits latins à la Bibliothèque
nationale d’Autriche, et Johannes Molitor, dont la tabula accompagnait
constamment la Summa theologica à partir de 1485 (mille quatre cent
quatre-vingt-cinq). L’explicit du manuscrit donne la date de 1485 (mille quatre
cent quatre-vingt-cinq). Il semble raisonnable de créer des groupes thématiques
de mots clef présents chez Johannes Molitor, mais absents dans le manuscrit. La
liste et presque complète : je n’ai pas inclus les mots peu intéressants et les
noms de personnes. (Je vous le lis sans prétention à la totalité.)
Pastoration : attritio, cantilena, cibus, clandestinum
matrimonium, consolatio, contemplativus, crapula, cupiditas, decalogus,
dissensio, displicentia, divortium, dolor, extasis, fatuus, felicitas, fletus,
fragilitas, génitale membru, habitus, incuba et succube, inquiétude, inspection
spectaculorum, invocatio daemonum, iocosa dicta, iterare … poenitentiam,
languor, levitas, libido, litigiosus, longanimitas, mansuetudo, morosa
delectatio, nocturna pollutio, novitatum praesumptio, oscula, potentiae
animales, pudicitia, pupillorum et viduarum respectus, rancor, recreatio corporis,
risio, scrupulosa conscientia, sodomia, stupor, subsannatio, tarditas,
taxillorum ludus, tenacitatis 7 differentiae.
Droit : alienare, bulla, citatio, concessum,
contractuum … modi, delictum personae, discretio, dissimulare, exactiones,
gibbosus, homagium, illegitimatio, illicite, immunitas, impositio, infames,
iniustitia, ius gentium, leprosus, laesio, locupletari, manumissio, matricida,
mos, mutilans, pacta, petitio, praegnans mulier, pueri, spurius, substitutio.
Droit
canonique : altar, anathema, claudi, clausura, Clementina, concubinarii
sacerdotes, curatus, exorcista, exitus religionis, gentiles, indignus, iubileus
annus, miracula, pagani, palatium episcopi, peregrini, primates, proprium in
religione, Romana ecclesia, Romipetae, synodus, tributa et census ecclesiae.
Les
statuts ecclésiastiques et séculiers : accolitus, actor, apothecarii,
aurifices, beginae, camerarii, cantor, Carmelitae, Carthusienses, cerdones,
curatores, diaconus, discere, domestici, aedificatores, fraticelli, heremita,
mendicantes fratres, mensura falsa, mercatores, meretricium, musici,
ornamentorum venditores, pastores, presbyteri, rustici, scholares,
stipendarius, subdiaconus, tabelliones, teloneus, villani.
Sciences
de la nature : aer, anthropos, cometa, complexio, constellationes,
elementa, aetates hominum, hermafrodita, indictio, Kalendae, mathematica,
metaphysica, microcosmus, naturalia, numerus, Pythagorica praecepta, physica
scientia, planetae, signa zodiaci, torpor.
Explication
de la liturgie : Alleluia, calix, chrisma, genuflexio, halocaustum, Kyrie
eleison, Magnificat, matutinae, offertorium, oleum sacrum, oriens, pallae
altaris, rasura clericorum, salutatio angelica, Sibylla, tonsura prima,
veneratio ecclesiarum.
Rhétorique
: discutienda, interpretatio, ironeitas, logica, metaphorae, poetarum scientia,
rhetorica, saeculares litterae.
Symboles
ou métaphores : acies, aquila, basiliscus, bestiae, cardo, claritas,
columnae septem, iumenta, mons, pestis, pondus, praedatoria animarum, radices,
torcular, virga, volare.
On
peut tirer des conclusions justes seulement par la comparaison des mots clefs
identiques dans les deux sources. On peut créer des subdivisions des mots
concernant la pastoration, mais il semble que, malgré les différences, les deux
auteurs sont également intéressés dans tous les aspects de ce thème, avec
l’exception des mots concernant la psychologie chez Johannes Molitor : consolatio, dissensio, extasis, fletus,
inquietudo, languor, libido, morosa delectatio, novitatum praesumptio,
potentiae animales, recreatio corporis, scrupulosa conscientia.
Le droit et le droit canonique sont
représentés par tellement de mots que les différences semblent insignifiantes.
Je n’ai trouvé que deux mots concernant le droit parmi les mots qui se trouvent
seulement dans le manuscrit. Le fait que Johannes Molitor attire l’attention
sur le pèlerinage jubilé (iubileus annus,
peregrini, Romana ecclesia, Romipetae) peut sembler important, tandis que
l’on ne trouve rien de cette sorte dans le manuscrit.
Les deux tabulae sont assez riches en ce qui
concerne les statuts ecclésiastiques et séculiers. Les mots suivants se
trouvent dans tous les deux : abbas,
abbatissa, archiepiscopus, archipresbyter, archidiaconus, architectores,
artifices, barbitonsores, cardinales, carpentarii, clerici, creditor, custos
ecclesiae, delegati, doctores, domini, episcopi, fabri, fenerator, fratres
praedicatores, histrionatus ars, hospitalarii, Iudaei, laici, legati, medici,
miles, ministri, negotiator, nigromantia, notarii, novicii, organizantes,
pellifices, pictores, praelati, primicerius, princeps, procurator, rector,
sacerdotes, sartores, serifices, servus, studentes, subdelegati, vicarii,
viduae, virgines, usura, uxores.
On
ne trouve pas de différences consistantes dans le cas des mots des statuts
séculaires. Les mots qu’on ne trouve pas dans le manuscrit attestent la
considération des conditions dans les cloîtres (actor, camerarii, meretricium,
ornamentorum venditores, teloneus).
Fréquents chez Molitor, les mots concernant
les mouvements de moines et laïques attestenr, eux, un intérêt différent : beginae, Carmelitae, Carthusienses,
fraticelli, mendicantes fratres.
Quand au traitement des mots des sciences
naturelles et de la liturgie, il y a une différence dans la précision. Les mots
de la liturgie qui se trouvent dans les deux sources sont les suivants : absolutio, adventus, agnus paschalis,
annuntiatio, aquae sanctae, celebratio, cultus, dies dominica, festa, horae
canonicae, missa, oblatio, pallium episcoporum, Pater noster, Symbolum fidei,
velum virginum. Il n’y a pas de mot dans le manuscrit qu’on ne trouve pas
chez Molitor.
La rhétorique est représentée par deux mots
dans le manuscrit : aenigma, memoria.
L’auteur du manuscrit s’intéresse aux mots qu’on
peut utiliser comme symboles autant que Molitor, bien qu’on ne trouve pas les
mêmes mots chez les deux. Les mots du manuscrit soulignés comme symboles sont
les suivants : digestiones, plenitudo,
protegit, refrenare, rota, serpens, sigillum. On trouve les expressions
numérales suivantes seulement dans le manuscrit : quattuor rationes, quinque sensus, septem peccata, tria …, triplex …
Sur la base de ces
observations, on voit les intentions suivantes chez les deux auteurs.
Les
mots psychologiques de Johannes Molitor et le fait qu’il souligne les métiers
et les modes de vie différents servent à une pastoration étendue. Son intérêt
scientifique, ses mots de rhétorique, médicaux, et de l’astrologie marquent une
distance par rapport à l’instruction religieuse. Il serait désirable de faire
la tabula de l’ouvrage de Antoninus Florentinus avec l’aide de l’ordinateur.
C’est ainsi que l’on pourrait voir les insuffisances de Molitor.
L’auteur du manuscrit montre son inexpérience
dans le choix des mots clef. Les aspects de la prédication dans le cloître lui
semblent importants : il fait la différence entre les statuts séculiers, et il
oublie les statuts qui ne se trouvent pas dans un cloître. Il ne s’intéresse
pas aux notions scientifiques pures. Il recommande à notre attention les
détails que l’on peut utiliser dans l’éducation dans le cloître : les notions
primaires, comme celle de l’utilisation de nombres, les explications primaires
de la liturgie, et l’utilisation morale et allégorique des notions scientifiques.
Tout cela s’affirme aussi dans l’exploitation de la connaissance juridique et
dans l’ignorance des éléments religieux qu’il trouve peut-être étranges
(beginae, fraticelli). Il se concentre sur les buts de l’école monastique au
mot clef suivant : Historia saepe
scribitur falsa. L’explication de cette phrase : Ita Virgilius Platonem aliqualiter sequens mentitus est omne vitium a
corpore originaliter pullulare, originale peccatum non credens, ubi ait: Igneus
est illis vigor, et caelestis origo. Seminibus quantum non noxia corpora
tardant. Terrenique hebetant artus moribundaque membra. Saepe falsa scribunt
isti historici vel morales favore, odio vel amore. Hinc Hiero. fatetur
philosophos expresse mentitos, ubi scripserunt Socratem semper eundem vultum
habuisse …Le mot clef ne saisit pas un détail des notions, mais la morale
inacceptable pour les chrétiens.
On
veut profiter des conclusions de la recherche du traitement du sujet dans les
incunables dans l’édition du manuscrit Érdy, une collection de sermons de langue
hongroise sur l’Internet. On va publier le facsimile, la transcription
littérale et la version du texte moderne. A part cela, nous avons les buts
suivants :
-
Publier le texte
entier de toutes les sources d’incunables de l’Anonyme de Karthaus. Cela pourra
servir de point de départ pour l’édition des ouvrages de Pelbartus de Temeswar.
-
Créer un index
hongrois-latin des mots clef : cela peut nous aider à chercher les parallèles
textuels, les citations, sur la base d’ouvrages contemporains de l’Europe. On va
rechercher les éléments survivants.
-
Examiner les
citations d’un point de vue diachronique ; les auteurs cités entreront dans un
dictionnaire et une bibliographie, ensemble avec leur réception européenne.
Nous souhaitons que les recherches
aboutissent à une encyclopédie du Moyen Age qui aura besoin d’être étendue,
perfectionnée pour former un système organique, et pourra aussi bien être
utilisée dans d’autres domaines.
Je vous remercie de votre attention.
A tárgyszó
megfelelõjéül jobb híján a mot clef-t
javaslom.
A pasztoráció
francia megfelelőjét nem találtam, ezért nem bántottam a pastorationt, amely mellesleg egyik
szótáramban sem szerepel.
A codexet
mindkét előfordulásakor helyettesítettem manuscrit-vel.