PALIMPSZESZT
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PÁL Ágnes
Une poétique intermittenete -- Interprétation basée sur l'analyse des réseaux d'images du passage Les Intermittences du coeur du roman A la recherche du temps perdu de Marcel Proust [1]

I. Objectifs

"Proust intègre les images au récit, ou plutôt saisit, grâce à elles l'événement dans toute sa portée." [2]

LES INTERMITTENCES DU COEUR[3] a été un fragment largement interprété. Un exemple d'interprétation: Éméric Fiser dans L'ESTHéTIQUE DE MARCEL PROUST[4] dédie à la partie Intermittences du coeur tout un chapitre, introduit avec ces mots:

"Il s'agit de montrer sur un exemple précis comment se déroule le processus infiniment complexe de la révélation du passé, lorsque la vie spirituelle, ébranlée par la découverte d'une identité entre deux oeuvres, deux sensations, revit la partie correspondante de son histoire."

Son approche est plus psychologique que textuelle, et sa conclusion: "les intermittences du coeur sont les moments suprêmes de la création artistique" semble partiel à cause de la subordination d'une conclusion générale de tout le roman au texte concret. Sans citer plus d'exemples, à base de la bibliographie accessible, il semble que la critique souligne toujours l'importance de ce passage du roman, les approches d'interprétations littéraires visent surtout le contenu général.

Les images de Proust forment une partie centrale des recherches sur le style de Proust. Comme le constate Jean-Yves Tadié dans l'analyse du bilan critique:

"Parmi les moyens poétiques qu'utilise Marcel Proust, il faut faire une place à part aux images. C'est en effet le procédé de style auquel il attachait une si grande importance qu'il y voyait la principale qualité de l'écrivain."[5]

Nous avons choisi pour sujet le fragment LES INTERMITTENCES DU COEUR, puisque par son unité il se détache de l'ensemble de l'oeuvre. De plus, l'extrême suggestivité du titre indique déjà ce que nous aimerions démontrer dans ce travail: que le titre est une métaphore qui résume non seulement le contenu du texte qui suit, mais aussi les réseaux métaphoriques de ce fragment du texte.

Dans le travail qui suit, nous avons considéré en effet le titre du passage comme point de départ. C'est le seul titre qui marque une unité à l'intérieur d'un chapitre dans les volumes de à LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU. (Les volumes se divisent en parties, qui se subdivisent en chapitres, voir l'énumération des volumes/parties/chapitres dans l'annexe n.1.) L'examen de la genèse du passage n'est pas le but de cette étude, largement analysée d'ailleurs dans la notice de l'édition de La Pléiade.[6] Il faut tout de même mentionner le fait que Proust avait songé à donner ce titre au roman tout entier, et qu'à l'origine ce passage a été conçu comme oeuvre individuel. LES INTERMITTENCES DU COEUR n'est point le seul passage du roman qui constitue une unité évidente, nous pourrions même dire que ces unités sont les éléments structurels de base dans le roman, mais à part le passage analysé, ils ne portent pas de titre. (Au début des chapitres numérotés, le contenu est résumé en sous-titres, en tant que sommaire, sous-titres qui ne figurent pourtant pas au début des parties correspondantes.) Quand à l'importance du titre en général, nous rappelons la remarque de Proust dans SAINTE BEUVE ET BALZAC:

"Tandis que souvent chez les écrivains le titre est plus ou moins un symbole, une image qu'il faut prendre dans un sens plus général, plus poétique que la lecture du livre (...)"[7]

Nous voudrions analyser les images du passage (sous-chapitre) LES INTERMITTENCES DU COEUR, en détachant les différentes possibilités d'interprétation du titre puis en comparant ces niveaux d'analyse et les images du texte correspondant à ces interprétations.

Une analyse minutieuse des divers images du texte a montré qu'elles se regroupent suivant des réseaux thématiques. Ayant enfin considéré les significations du titre, elles ont semblé résumer les différents thèmes, leitmotifs du texte. C'est ainsi qu'étant arrivé des images du passage au titre, qu'a surgi la possibilité d'inverser le procédé et d'enfiler les réseaux d'images du texte sur les significations de la métaphore initiale: intermittences du coeur. C'est un procédé subjectif, qui a pour but d'arriver à une meilleure compréhension du texte.

Nous aimerions procéder dans l'examen des images dans l'esprit des études réalisées par Jean-Yves Tadié:"Il ne s'agit pas de rendre compte de l'image en elle même, mais montrer comment son emploi engage et modifie la technique du roman."[8] et par Jean Milly: "Les images proustiennes tiennent ce rôle de la fonction affective et cognitive. Affective car elles expriment des impressions subjectives de l'auteur et cognitive, car elles transmettent sa vision du monde, c'est à dire des connaissances sur ce monde. Elles seules sont capables de capter la partie spirituelle de la réalité, et de transfigurer le monde perçu par les sens trompeurs."[9]

II. Niveaux d'interprétation du titre; réseaux d'images correspondants dans le texte

II.1. Intermittences du coeur: coeur, intermittence

II.1.1. Le coeur

"Au départ, le coeur est l'organe de vie, le seul organe interne, qui signale constamment sa présence." [10]

Du dictionnaire des expressions et des locutions, je voudrais souligner quelques expressions figurées: avoir le coeur gros /être triste/, avoir le coeur serré /être triste et angoissé/, et le coup au coeur /brusque affection cardiaque, infarctus; au sens figuré: forte émotion/, ce dernier est illustré par une citation du texte de Proust.[11]

Les deux premiers seraient pour notre texte choisi une illustration de l'état d'âme du narrateur, le sens figuré du dernier résume le thème du texte introduit par "Bouleversement de toute ma personne....". Cependant le sens concret de l'expression coup au coeur est également présent dans le texte: attaque et syncope sont les synonymes textuels correspondants.

Dans le texte, faisant partie du réseau d'images, les apparitions du mot coeur réactualisent le titre.

Nous retrouvons dans le texte l'usage au sens premier: "le monde du sommeil, où la connaissance interne accélère le rythme du coeur ou de la respiration." (p. 157)
ainsi que l'emploi métonymique:
"nous ne nous mettons pas assez dans le coeur de ces pauvres femmes de chambres" (p. 174)
"nous fermons ainsi notre coeur au pathétique des campagnes" (p. 174)
"comme tout ce qui assurait à ma grand-mère une survivance dans les coeurs." (p.167)

Dans les relevés précédentes, utilisés dans leur sens primaire, elles ne font pas figure de style mais le rappel constant du titre est un but de leur usage.

L'emploi au sens figuré est également présent:
"gonflant mon coeur à le briser"
"Je sentis mon coeur comme durci"

Il s'agit dans les deux cas de métaphores d'usages renouvelées, puisqu'au sens figuré du /coeur gros - tristesse, coeur serré - angoisse, tristesse/ s'ajoute le sens concret par gonflant à le briser, et le verbe je sentis.
Son emploi se combine avec les expressions antithétiques plénitude et vide dans le relevé suivant en une image complexe interprétée postérieurement:
"la plénitude lumineuse de la plage creusait un vide dans mon coeur." (p. 159)

II.1.2 Intermittence

Intermittence est une notion temporelle, selon le Dictionnaire Trésor de la Langue Française le premier sens est la discontinuité, elle signifie le caractère de ce qui s'arrête et reprend par intervalles. Le sens répétitif est suggéré par le pluriel du titre. Dans l'usage littéraire, vieilli, ce terme signifie: Arrêt bref, momentané, irrégularité, interruption. Il est illustré par le texte de Flaubert: "Des battements de coeur, qui la frappaient sous la poitrine comme à grands coups de bélier, s'accéléraient l'un après l'autre, à intermittences inégales".[12]

Ce sens (dans le texte de Flaubert également relationné avec le coeur), se rattache à l'expression coup au coeur, s'associe à la disfonction du corps, à la maladie.

C'est également une expression de la médecine: "/à propos du coeur, du pouls/ On entend communément par intermittence une succession subite et momentanée du pouls, pendant laquelle, l'artère affaissée ne se sent plus sous le doigt. La durée des intermittences est très variable. "[13]

Au sens figuré, intermittence est le "caractère de ce qui procède par accès, variation d'intensité d'un sentiment".

Dans le texte, elle est présente à de différents niveaux, dans le sens le plus concret, médical, mais aussi comme symbole du temps, de la représentation du temps et de l'expérience subjective, ainsi que nous le verrons dans l'analyse détaillée.

Le mot intermittence se répète également dans le texte, dans son sens premier, sans faire figure de style, mais réactualisant le titre du passage:

"j'aimai Françoise d'une affection, intermittente, il est vrai, mais du genre le plus fort, celle qui a pour base la pitié" (p. 175)

II.2. Intermittences du coeur: la souffrance, la maladie

INTERMITTENCES DU COEUR est donc une expression au sens premier médicale, et comme telle, c'est une métaphore d'usage. Elle est très visuelle, étant la négative de la métaphore d'usage battements du coeur. Si ce dernier se réfère au sons vitaux, intermittences sont les silences entre ces sons. (L'image moderne qui s'y associerait serait celle du cardiographe).

En prenant comme point de départ ce sens concret de l'expression intermittences du coeur, j'aimerais d'abord examiner comment la maladie et la souffrance sont représentées - à part le titre qui le résume - dans le texte du passage.

Nous pouvons constater trois niveaux de la représentation de la souffrance: en parlant de ces niveaux nous parlons de trois personnages: le héros-narrateur, la mère et la grand-mère.

Le premier niveau est la souffrance de la grand-mère, souffrance physique causée par la maladie, révélation postérieure et douloureuse pour le héros.

C'est par deux personnages - témoins que s'effectue cette révélation: Françoise ("elle s'était deux fois trouvée mal", p. 173), et le directeur de l'hôtel de Balbec ("Je l'entendis me dire (car il aimait employer les mots qu'il prononçait mal) C'est comme le jour où Madame votre grand'mère avait eu cette symecope", p.175)

Le second est la souffrance de la mère du héros. C'est une souffrance ayant à l'origine la même peine: "cette incompréhensible contradiction du souvenir et du néant". Cette souffrance est également une révélation pour le héros-narrateur, très accentuée dans le texte: "Pour la première fois, je me rendis compte", "Pour la première fois je compris"... "je m'aperçus"

La métamorphose de la mère est due à cette souffrance. (" - ce n'était plus ma mère que j'avais sous les yeux, mais ma grand-mère - ", p. 166 ) La métamorphose est représentée par la métaphore de la "chrysalide", suivie de l'explication de la métaphore.

Le troisième niveau est la représentation de la souffrance du héros-narrateur à cause de cette découverte:

"Symecope c'est un mot, que, prononcé ainsi, je n'aurais jamais imaginé, qui m'aurait peut-être, s'appliquant à d'autres paru ridicule, mais qui, dans son étrange nouveauté sonore pareille à celle d'une dissonance originale, resta longtemps ce qui était capable d'éveiller en moi les sentiments les plus douloureuses." (p. 174)

En fait, tout le texte du passage se base sur les stages de cette souffrance. C'est cette souffrance qui détermine les actes du héros: les décisions sont suivies par le revirement en fonction de la souffrance. (le directeur entre - il est congédié; le héros veut voir Albertine - elle arrive - il ne veut pas la voir; le héros sort enfin de l'hôtel - il y retourne précipitamment) Cette ondulation (ou intermittence) de la souffrance est déterminée par la présence des souvenirs.

Les comparaisons relatives à la maladie se réfèrent à l'état d'âme du narrateur et rappellent tous les trois niveaux de la souffrance représentés dans le texte.

"comme un amnésique retrouve son nom, comme un malade change de personnalité"

"le chagrin avait aboli en moi la possibilité du désir aussi complètement qu'une forte fièvre coupe l'appétit." (p. 164)

L'auteur évoque l'extrême souffrance physique par les symboles clou et couronne d'épine de la symbologie chrétienne.

"J'aurais voulu que s'enfonçassent plus solidement en moi ces clous qui y rivaient sa mémoire" ( p. 156)

"maintenant que toute une vie étrangère et dégradante avait fait place à la remontée des souvenirs déchirants qui ceignaient et ennoblissaient mon âme, comme la sienne, de leur couronne d'épines"(p.165)

La représentation de la souffrance étant relationnée à la représentation de la mort, c'est dans ce contexte qu'il convient de continuer d'en examiner les images qui s'y attachent.

II.3. Intermittences du coeur: la mort

Intermittences du coeur, par opposition aux battements du coeur, par le sens arrêt du terme intermittence, implique l'image de la mort.
Le thème de la mort, comme nous l'avons vu, est anticipée dès la première partie du chapitre. De même, dans la première partie du passage, la mention du détail en apparence insignifiant de la mort du bâtonnier de Cherbourg prépare le thème:

"Les derniers temps il était tellement changé que si l'on n'avait pas su que c'était lui, à le voir, il était à peine reconnaissant (pour reconnaissable, sans doute)" (p. 149)

La mort est en extrême relation avec la maladie, dont nous avons déjà analysé quelques représentations dans le texte. Dans son oeuvre Théories pour une esthétique[14], Anne Henry mentionne le lyrisme contagieux de Schopenhauer, il nous donc a semblé convéniant d'étudier l'oeuvre intitulé DE LA MORT d'Arthur Schopenhauer, avant d'aborder les images du texte relatives à la mort.

La personne de grand âge (...) n'est plus que l'ombre, le phantôme de son être antérieur.[15]
Ce n'est pas la fin de la vie qui rend la mort aussi terrible (...) sinon plutôt le dépérissement de l'organisme, car l'organisme n'est pas autre que la volonté apparaissant comme corps.[16]

Nous retrouvons ces pensées dans le morceau LES INTERMITTENCES DU COEUR, par exemple dans le fragment déjà cité du changement physique du bâtonnier de Cherbourg.

Le même changement est captée par la photographie faite de la grand-mère. La photographie est un motif de base dans le texte, puisque c'est par la photographie que la révélation postérieure de ce changement sera possible, la reconnaissance de l'éloignement, de l'étrangeté de "l'être chérie". Le dévoilement postérieur de la vérité concernant les circonstances de la réalisation de la photographie, ainsi que la reconnaissance interne de la mort, par la mémoire involontaire et par le rêve, impliquent un changement de vision, comme un changement d'optique représenté par l'approche changeante du narrateur concernant la même photographie. La photographie est un objet ayant ses secrets, qui ne se revèlent que peu a peu dans le texte. Dans les premiers cas, elle n'est mentionnée que comme par hasard:

"en adressant à la photographie (celle que Saint Loup avait faite et que j'avais avec moi) des paroles et des prières comme a un être séparé de nous mais qui, resté individuel, nous connaît et nous reste relié par une indissoluble harmonie"(p. 156)

Les circonstances de la prise de la photographie sont d'abord évoqués par les souvenirs du narrateur,

"tel ce jour ou Saint-Loup avait fait la photographie de ma grand-mère et où, ayant peine à dissimuler à celle-ci la puérilité presque ridicule de la coquetterie qu'elle mettait à poser, avec son chapeau à grand bords, dans un demi-jour seyant, je m'étais laissé allé murmurer quelques mots impatientés et blessants(...)"(p. 155)<</p>

d'autant est plus profond le contraste avec les motifs véritables rappelés par le témoignage de Françoise.

"Françoise entra (...) et voyant la photographie: "Pauvre Madame, c'est bien elle, jusqu'à son bouton de beauté sur la joue, ce jour ou le marquis l'avait photographiée elle avait été bien malade"(p. 172)

"Elle me dit comme ca: «Si jamais il m'arrivait quelque chose, il faudrait bien qu'il ait un portrait de moi.»" (p. 173)

"elle ne voulait plus parce qu'elle se trouvait trop mauvaise figure. (...) Mais (...) elle finit par s'arranger si bien, en mettant un grand chapeau rabattu, qu'il n'y paraissait plus, quand elle était au grand jour."(p. 173)

La fin du passage indique la résignation, l'acceptation de la mort par le narrateur:

"Quelques jours plus tard la photographie qu'avait faite Saint-Loup m'était douce à regarder(...)" (p. 176)

L'opposition persiste cependant entre la résignation du narrateur et l'attitude de la mère, incapable d'accepter et de continuer sa vie:

"le regard s'était arrêté sur incompréhensible contradiction du souvenir et du néant." (p. 165)

Cette opposition est nettement marquée par les considérations par rapport à la photographie:

"Et pourtant, ses joues ayant à son insu une expression à elles, quelque chose de plombé, de hagard, comme le regard d'une bête qui se sentirait déjà choisie et désignée, ma grand-mère avait un air de condamnée à mort, un air involontairement sombre, inconsciemment tragique, qui m'échappait mais qui empêchait maman de regarder jamais cette photographie, cette photographie qui lui paraissait moins une photographie de sa mère que de la maladie de celle-ci, une insulte que la maladie faisait au visage brutalement souffleté de grand'mère" (p. 176)

L'accumulation des comparaisons dans ce fragment nous conduit à supposer que ces comparaisons marquent une incertitude, une difficulté de l'expression.
L'étrangeté est représentée par une série de métaphores (la force obsédante de la répétition des images.)

"cette étrangère, j'en étais en train de regarder la photographie par Saint-Loup. (p. 172)

Cette phrase est un rappel à une apparition antérieure de la même image:

"je la retrouvai comme dans un miroir, une simple étrangère qu'un hasard a fait passer quelques années auprès de moi" (p. 155)

La métaphore simple étrangère est ici complétée par une explication et précédée d'une comparaison auxquelles il vaut la peine de s'attarder. L'antithèse entre la proximité (indiquée par le verbe retrouver et le mot miroir) et l'éloignement (étrangère) répéte la contradiction:

"je venais, (...)en la retrouvant enfin, d'apprendre que je l'avais perdue pour toujours."

Le miroir se rapproche à la photographie, du point de vue qu'elle reflète une image: mais le miroir reflète l'image de celui qui s'y regarde, non pas comme la photographie qui garde l'image de celui qui est regardé. Le reflet que montre le miroir est une image de soi, un être étranger par rapport à celui qui s'y regarde. La découverte soudaine du propre reflet peut donc impliquer l'étrangeté. Le miroir, en n'y regardant pas de face, peut aussi refléter l'image de quelqu'un que l'on ne voit que par l'optique du miroir. Le miroir représente une image changeante, éphémère, alors que la photographie - en opposition avec lui - une image fixe, inchangeable.

Cette comparaison fonctionne dans le texte avec toutes les autres occurrences de la même image. V. E. Graham en cite quelques unes.[17] Ainsi la peinture d'Elstir (un de ces miroirs du monde[18]), le livre de Bergotte (un de ces miroirs de la vérité[19])...

L'étrangeté est également exprimée par la différence de langue. C'est une image qui se base sur la polysémie du mot étranger: <qui n'est pas connu, ex: un visage étranger> et <qui appartient à une autre nation>. C'est par le second signification (la différence de langue) qu'est suggéré, accentué le premier sens.

"les expressions de son visage étaient écrites dans une langue qui n'était pas pour moi" (p. 172)

Les expressions du visage est une métaphore d'usage (métaphore lexicalisée) renouvelée par l'addition du verbe écrire. Le sens <ensemble de signes propres à exprimer un sentiment sur le visage> du mot expression est combiné avec le sens <mot ou groupe de mots considérés sur le plan de la signification>.

C'est au deuxième sens que peuvent se rattacher le verbe écrire ainsi que la langue différente, indiquant de nouveau l'étrangeté.

La découverte de cette étrangeté s'effectue par le rêve. Par la mémoire involontaire surgit l'image de la présence, et la réalité - en contraste avec cette présence - induit à comprendre, à réaliser l'absence. Cette contradiction est la base du rêve, qui permet d'approfondir ce contraste. Dans le rêve, la mort a une autre dimension, la mort n'est qu'une expression détachée de son sens. Paradoxalement dans le rêve, ce sont les lois de la vie, les lois quotidiens, qui s'appliquent à la mort. C'est ainsi que dans le rêve le personnage de la grand-mère est représentée comme vivante, (nous passerons tout de suite aux images qui indiquent à quel degré elle est vivante), enfermée dans une petite chambre, qui se trouve sur l'Avenue. L'obstacle de son accessibilité n'est pas la frontière infranchissable entre la vie et la mort, sinon une série d'obstacles quotidiens. ("j'ai oublié le numéro de l'Avenue").

Citons Gérard Genette pour réaffirmer l'interprétation de ce fragment du rêve: "La séquence infra-linguistique cerfs, Francis Jammes, fourchette n'est nullement donnée comme exemple du langage onyrique, mais comme témoignage de rupture et d'incompréhension, au réveil, entre ce langage et la conscience vigile. Dans l'espace du rêve, tout est clair et naturel, ce qui se traduit par des discours d'une parfaite cohérence linguistique. C'est au réveil, c'est à dire au moment où cet univers cohérent laisse la place à un autre (dont la logique est différente), que ce qui était limpide et logique perd sa trasparence."[20]

Quand au degré de l'existence (expression paradoxale recevant son signification dans l'interprétation du fragment onirique), c'est par une comparaison implicite qu'en est donné l'explication.

"du reste, tu sais, elle est très éteinte" (p. 159)

L'adjectif éteinte suggère l'image du feu. Par usage antithétique le feu symbolise la vie, l'expression très éteinte, la diminution de la vie.
L'adjectif diminuée est d'ailleurs explicite dans même fragment du texte:

"mais je savais qu'elle existait encore, mais d'une vie diminuée, aussi pâle que celle du souvenir" (p. 158)

La comparaison aussi pâle que celle du souvenir nuance encore vie diminuée. La comparaison est basée sur les sens du mot pâle: ce mot évoque d'abord la maladie, la mort peut-être. Pâle souvenir, comme souvenir effacé est un cliché, renouvelée par le contexte qui appelle au sens premier du mot pâle et par l'addition du mot la vie (dans la comparaison c'est la vie du souvenir et non pas le souvenir qui est pâle).
Le rêve représente donc un autre monde, avec d'autres lois. Comme l'indique le changement de langue au réveil:

"Le mot Aias, que m'avait dit tout à l'heure mon père, avait immédiatement signifié: "prends garde d'avoir froid"(p. 159)

Nous avons vu la représentation de la limite, de l'impossibilité de communication du narrateur avec sa grand-mère (au niveau symbolique du vivant avec la morte) par les deux tentatives: la photographie et le rêve. Dans les deux cas, cette limite est exprimée symboliquement par la différence de langue, ainsi par l'étrangeté.

Le rêve marque une tentative de communication: par le récit onirique l'auteur aborde le sujet sous une emphase différente. Comme l'explique Anne Henry:

"Ces segments de rêve sont utilisés en fait comme des allégories aptes à suggérer clairement ce qu'il serait ennuyeux de dévider dans un récit non imagé, ils figurent comme des éléments faisant partie d'un savoir connu grâce auquel tout lecteur doit reconnaître son chemin. (...) Proust peut alors raviver le rôle dramatique traditionnellement dévolu au songe, une anticipation prophétique sur quelque dénouement. (...) Le rêve (...) avec de grossières images accomplit la même synthèse que la musique dans son langage supérieur"[21]

Sans analyser la relation entre le rêve et la mort, Anne Henry démontre dans cette même étude: "C'est à une descente dans les antres du sommeil qu'est convié le lecteur et, en fait, à une exploration méthodique des convictions de l'auteur exposée dans une démarche régressive chacune se réservant un des cercles souterrains. Et comme chaque fois qu'il a une intention didactique, Proust la déguise par l'inflation poétique, ici épique, le livre IV. de l'Éneide lui fournissant l'image de la descente verticale dans l'abîme infernal."

Cette descente dans les antres du sommeil est représentée par une série d'images très visuelles exprimant le processus de s'endormir. La descente verticale s'effectue en soi-même, dans le sens concret du terme au niveau des images: le corps étant représenté comme un microcosme, ayant sa propre géographie (les flots noirs de notre propre sang) et son architecture (les porches sombres).

"dans la profondeur organique et devenue translucide des viscères mystérieusement éclairés" (p. 157)

"nous nous sommes embarqués sur les flots noirs de notre propre sang comme sur un Léthé intérieur aux sextuples replis" (p. 157)

"dès que j'eus abordé sous les porches sombres" (p. 157)

Les adjectifs sombre et noir, translucide etmystérieusement éclairé expriment un élément essentiel, l'obscurité qui indique la nuit et de même, avec profondeur, et Léthé, l'arrivée aux enfers.
Cette descente est relatif au narrateur-héros, mais ce motif se répète dans une comparaison en relation avec la mère:

"Elle avait l'air d'aller à la recherche d'une morte, que les flots devaient ramener."(p. 167)

Chez Schopenhauer, la mort est comparée au rêve pour illustrer l'inconnu par le peu connu:

Ce n'est que la conscience qui est concernée par la mort, car si la vie cesse, c'est la conscience qui cesse comme par le rêve ou l'évanouissement.[22]

D'ailleurs, cette relation établie entre mort, rêve et évanouissement (dont le synonyme est la syncope!) nous permet de retourner une fois de plus au titre du passage. LES INTERMITTENCES DU COEUR exprime exactement ce qui unit ces trois notions: un état intermédiaire entre battements du coeur.

II.4. Intermittences du coeur: la vie intermittente

Une pensée schopenhauérenne s'exprime par la représentation de la mort comme de caractère intermittent, passager. La conception de la vie humaine que suggère ce passage est représentée par la métamorphose, le personnage de la mère se métamorphose en celui de la grand-mère, elle s'y assimile. ("ce n'était plus ma mère que j'avais devant moi, mais ma grand-mère.") D'autre part, le narrateur lui-même est concerné par la chaîne des générations. La métamorphose nous rappelle la fin du chapitre Sainte Beuve et Baudelaire dans Contre Sainte-Beuve:

"C'est à cette époque de sa vie que Baudelaire avait ces grands cheveux blancs qui lui donnaient l'air, disait-il d'un académicien (à l'étranger!) Il a surtout sur ce dernier portrait une ressemblance fantastique avec Hugo, Vigny et Leconte de Lisle, comme si tous les quatre n'étaient que des épreuves un peu différentes d'un même visage, du visage de ce grand poète, qui, au fond, est un, depuis le commencement du monde, dont la vie intermittente, aussi longue que celle de l'humanité, eut en ce siècle ses heures tourmentées et cruelles, que nous appelons vie de Baudelaire (...), vie de Hugo (...), vie de Gérard et peut-être de Francis Jammes(...), vie de Chateaubriand et de Balzac (...), que nous appelons deuxième partie de la vie de Tolstoï, comme de Racine, de Pascal, de Ruskin, peut-être de Maeterlinck."

La présence du même adjectif "intermittent" renforce la relation des deux textes. Dans celui que nous venons de citer, le point commun entre ces vies est la reconnaissance du visage de ce grand poète, qui, au fond, est un, depuis le commencement du monde. Dans notre texte, ce sont les membres très unis de la famille (mère - fille, mère - fils) qui sont rapprochés, et la métamorphose de la mère suggère la même vie intermittente, c'est elle qui continue une autre vie:

"Peut-être le grand chagrin qui suit, chez une fille telle qu'était maman, la mort de sa mère ne fait que briser plus tôt la chrysalide, hâter la métamorphose et l'apparition d'un être qu'on porte en soi et qui, sans cette crise qui fait brûler les étapes et sauter d'un seul coup des périodes ne fût survenu que plus lentement." (p. 166)

Il faut ajouter que les personnages de la mère et de la grand-mère sont convergeantes dans tout le roman: leur personnalité ne diffère pas, c'est ce qui permet la métamorphose.

II.5. Intermittences du coeur: le néant

Qu'y a-t-il donc entre les battements du coeur? Les intermittences indiquent une discontinuité qui symbolise le néant. Nous avons vu les images connectées à la révélation de la mort. Au delà de la limite du compréhensible, les impressions concernant la mort et le néant ne peuvent être transmises que par les éléments imagés du récit.

"Pour la première fois je compris que ce regard fixe et sans pleurs (...) qu'elle avait depuis la mort de ma grand'mère était arrêté sur cette incompréhensible contradiction du souvenir et du néant." (p. 165)

Le néant est visuellement représenté par le motif du vide.

"la plénitude lumineuse de la plage creusait un vide dans mon coeur" (p. 159)

Vide est synonyme du néant, les deux termes s'attachant à la mort. Dans ce réseau d'images (d'extrême poéticité), à l'usage métonymique du mot coeur sont joints la métaphore vide et la personnification la plénitude lumineuse de la plage creusait un vide. Vide est un terme abstrait ainsi que son contraire, la plénitude. Dans cette expression, vide suggère l'image d'un trou, d'ailleurs renforcée par le verbe creuser et contenue dans le sens concret du coeur: les cavités du coeur. La plénitude lumineuse de la plage marque triplement l'opposition du vide: non seulement la plénitude est antithétique avec le vide, mais lumineuse est en opposition avec l'obscurité (du trou, du vide, du néant) et la plage est aussi symboliquement vital. La personnification renforce l'expressivité de la série d'images. L'utilisation de l'imparfait du verbe creuser évoque un mouvement lent et perpétuel, comme celui de la mer qui affouille le sable sur la plage.

Le même schéma d'images se réitère dans une série d'images précédant dans le texte celle que nous venons d'interpréter:

"la brusque révélation de la mort, avait, comme la foudre, creusée en moi, selon un graphique surnaturel, inhumain, comme un double et mystérieux sillon" (p. 156)

Le temps du verbe creuser - renforcé avec la comparaison comme la foudre, ainsi que l'adjectif brusque - indique la momentanéité de l'action, la soudaineté de la révélation de la mort. Sillon rappelle le vide, mais se rapproche plus au signification concret du verbe creuser.

II.6. Intermittences du coeur: l'espace clos

Le motif du vide est en relation avec une série d'images qui définissent l'espace clos. La notion du vide ne peut être saisie par l'esprit que par la notion du récipient qui le contient.

Ainsi l'espace clos a une importance symbolique dans ce passage, il exprime d'abord la sensation d'un espace limité, donc le sentiment d'oppression, puis la même incapacité d'en franchir les limites que les comparaisons et métaphores analysés auparavant exprimant l'étrangeté.

L'espace de la chambre d'hôtel est une scène dont l'importance est l'évocation du souvenir. C'est une chambre sont la situation est relativement isolée:

"Il m'annonça qu'il m'avait logé tout en haut de l'hôtel. «(...)Comme cela, vous n'aurez personne au dessus de vous, pour vous fatiguer le trépan (pour tympan). Soyez tranquille, je ferais fermer les fenetres, pour qu'elles ne battent pas.»" (p. 148)

C'est la même scène que celle du premier séjour à Balbec, la similitude du lieu provoque les souvenirs par la mémoire involontaire. La chambre d'hôtel (présent) est le lieu de la souffrance du narrateur, celle du rêve, de la solitude, de l'évocation du passé. C'est le symbole du monde intérieur du héros-narrateur, les personnages exclus de ce monde interne fonctionnent comme intrus.

La chambre d'hôtel est en relation avec la chambre fictive du rêve, lieu de résidence de la grand-mère.

"dans cette petite chambre qu'on a louée pour elle" (p. 158)

L'incapacité de quitter cette chambre est attribuée dans le monde du rêve aux circonstances extérieurs ("où elle ne peut pas bouger, car elle est toujours un peu paralysée") et à la volonté ("et n'a voulue une seule fois se lever!"). Cette chambre représente le monde clos de la mort, perceptible mais inaccessible depuis le monde des vivants.

Les deux chambres s'opposent justement à base de ce contraste: la chambre du rêve exclut, tandis que la chambre de l'hôtel évoque la possibilité de communication d'autrefois:

"cette cloison qui servait jadis entre nous deux de messager matinal, cette cloison qui, aussi docile qu'un violon à rendre toutes les nuances d'un sentiment, (...)

je n'osais pas approcher de cette cloison
plus que d'un piano ou ma grand-mère aurait joué (...)" (p. 159)

L'évocation des instruments de musique comme moyens de communication (la comparaison cloison-violon, cloison-piano) rappelle à la relation affective. La musique est donc une autre forme d'expression (comme la langue commune dont nous avons parlé), de communication, capable d'exprimer "toutes les nuances d'un sentiment". Nous pouvons ici rappeler un passage du chapitre Sainte Beuve et Baudelaire, dans Contre Sainte-Beuve[23] où Proust cite le vers suivant:

"Le violon frémit comme un coeur qu'onafflige,"

Et le commentaire expressif de Proust: "oh! ce frémissement d'un coeur à qui on fait mal".
Le cloison est un de ces objets symboliques dont la présence évoque un souvenir douloureux, celui de la possibilité de communication d'autrefois. Le cloison, comparé au piano et au violon (qui peut évoquer ce vers de Baudelaire, qui à son tour, par le mot coeur nous reconduit au titre du passage) est donc évocateur et par l'opposition du présent et du passé évoqué suggère que la chambre jadis communiquante avec la chambre voisine est maintenant hermétiquement close.
Ce sens de la perception de l'espace clos est accentué par la comparaison:

"C'est sans doute l'existence de notre corps, semblable pour nous à un vase où notre spiritualité serait enclose." (p. 153)

Le vase comme récipient qui délimite le corps rappelle l'image du cloison qui délimite l'espace de la chambre. Par l'adjectif enclose s'exprime explicitement la sensation décrite par la métaphore de la chambre. Il faut renvoyer en parlant du corps à la conception du corps comme microcosme, sujet déjà traité dans cette étude dans le chapitre sur la mort.

La perception du corps comme monde clos est relationné avec le monde clos extérieur par la comparaison "comme sous un immense cloche". Cette comparaison a pour base la métaphore "la rotondité du ciel", qui exprime la situation de l'homme par rapport à l'univers: la représentation de la présence humaine dans un cercle ou dans une sphère n'est évidemment pas une image sans antécédents (elle nous fait penser au dessin de l'homme dans un cercle par Dürer, ou à la sphère de Pascal). De même, l'expression du sentiment de la perception du monde comme monde clos est aussi un sujet fréquent de la poésie. Cependant l'originalité et l'expressivité de la métaphore filée réside dans la comparaison et la représentation des points communs entre ciel et cloche: l'adjectif bleuâtre, la transposition de l'horizon du monde qu'entoure la ciel au monde que ferme (exclut) la cloche.

"sous la rotondité du ciel pâle et divin je me sentais oppressé comme sous un immense cloche bleuâtre fermant un horizon où ma grand-mère n'était pas." (p. 159)

III. Conclusion

Les buts de ce travail ont été définis dans l'introduction. En analysant minutieusement les images poétiques du passage LES INTERMITTENCES DU COEUR nous sommes arrivés d'une part à saisir un niveau secondaire, un sens plus profond du texte: "l'événement dans toute sa portée"; d'autre part l'examen de la relation des réseaux d'images nous a mené à une analyse de la structure du texte. Cette structure se caractérise par une poétique intermittente, soit par l'alternance des fragments poétiques et des fragments des mises en relief du récit. Les fragments poétiques, que nous avons appellé thèmes sont ceux qui contiennent les constatations intemporelles. Le titre du passage LES INTERMITTENCES DU COEUR résume aussi bien les différents réseaux d'images que cette structure du texte savamment élaborée.

La méthode d'analyse est certes subjective, mais elle permet une approche à "ces gouttes de lumière cimentées" desquelles "sont faits le style et le fable".

Cette même méthode pourrait s'appliquer à d'autres passages du roman en vue d'une meilleure compréhension du texte. Ce sont surtout les passages dites poétiques qui semblent se prêter à l'interprétation individuelle. L'analyse des réseaux d'images du texte proustien pourrait également servir de base à un travail sur la théorie de la métaphore. Mais ce sont de nouvelles voies pour de nouveaux sujets de mémoires à réaliser.

IV. Annexes

Annexe I.

Situation du passage dans le roman (Division structurale du roman)
VOLUMES PARTIES CHAPITRES PASSAGES (à base du sommaire en tête des chapitres)
SODOME ET GOMORRHE I. (sans divisions)

II. I. - M. de Charlus dans le monde - Un médecin - Face caractéristique de Mme de Vaugoubert - Mme d'Arpajon, le jet d'eau d'Hubert Robert et la gaité du grand-duc Wladimir - Mme d'Amoncourt, Mme de Citri, Mme Sainte Euverte, etc. - Curieuse conversation entre Swann et le prince de Guermantes - Albertine au téléphone - Visites en attendant mon dernier et deuxième séjour à Balbec - Arrivée à Balbec - Jalousie à l'égard d'Albertine - Les intermittences du coeur (le seul avec titre)


II. - Les mystères d'Albertine - Les jeunes filles qu'elle voit dans la glace - La dame inconnue - Le liftier - Madame de Cambremer - Les plaisirs de M. Nissim Bernard - Première esquisse du caractère étrange de Morel - M. de Charlus dîne chez les Verdurin


III. - Tristesses de M. de Charlus - Son duel fictif - Les stations du «Transatlantique» - Fatigué d'Albertine, je veux rompre avec elle


IV. - Brusque revirement vers Albertine - Désolation au lever du soleil - Je pars inmédiatement avec Albertine pour Paris (intermittences du coeur II.)

Annexe II. -- Structure du passage

Division Subdivisions en séquences selon les personnages `en scène' phrases introductrices des séquences page
I. introduction mise en relief du récit (R1) directeur narrateur-héros (rêveries) directeur "Ma seconde arrivée à Balbec fut bien différente de la première." "Je pensais aux images qui m'avaient décidé de retourner à Balbec." "Je fus tiré de ma rêverie par la voix du directeur, dont je n'avais pas écouté les dissertations politiques." p. 148 p. 149 p. 152
II. thème (T1): grand-mère narrateur-héros (souvenir) (rêve) (souvenir) Bouleversement de toute ma personne. Mais dès que je fus arrrivé à m'endormir, à cette heure, (...) le monde du sommeil (...) réfléta, réfracta la douloureuse synthèse enfin réformée de la survivance et du néant, dans la profondeur organique et devenue translucide des viscères mystérieusement éclairés." Mais déjà j'avais retraversé le fleuve aux ténébreux méandres, j'avais remonté à la surface où s'ouvre le monde des vivants(...) p. 152 p. 157 p. 159
III. mise en relief du récit (R2) directeur narrateur-héros directeur les Cambremer Le directeur vint me demander si je ne voulais pas descendre. Et pourtant, la veille, à l'arrivée, je m'étais senti repris par le charme indolent de la vie des bains de mer." Je priai le directeur de s'en aller, de demander que personne n'entrât. Malgré les promesses du directeur, on m'apporta un peu plus tard la carte cornée de la marquise de Cambremer. p. 160 p. 160 p. 161 p. 162
IV. thème (T2): mère mère (métamor-phose) Ma mère devait arriver le lendemain. p. 165
V. mise en relief du récit (R3) Mme Poussin Elle eut la mauvaise chance, dans un de ces pélerinages où elle ne voulait pas être troublée, de rencontrer sur la plage une dame de Combray, suivie de ses filles. p. 168
VI. thème (T3 a): souvenirs narrateur-héros souvenir impression: hotel=théâtre souvenir Pendant que maman lisait sur la plage, je restai seul dans ma chambre. Enfin ma mère exigea que je sortisse. Je remontai directement dans ma chambre. p. 168 p. 169 p. 171
VII. thème (T3 b): révélations directeur Françoise directeur Je prévins le directeur pour qu'il la fît attendre au salon. Françoise entra me dire qu'Albertine était là, et voyant la photographie: «Pauvre Madame, c'est bien elle (...)» Moins pourtant que ne fit le soir la visite du directeur. p. 172 p. 172 p. 174
VIII. thème (T3 c): rêve II. narrateur-héros (rêve) Le lendemain, j'allai, à la demande de maman m'étendre un peu sur le sable (...) p. 175
IX. conclusion: détachement narrateur Albertine narrateur (promenade solitaire) Quelques jours plus tard... Puis un jour... Mais le jour où Albertine vint,... ...je partis me promener seul vers cette grande route (...) p. 176 p. 176 p. 177 p. 177

Annexe III.

Division Comparaisons et métaphores mentionnées dans l'analyse des réseaux d'images
I. introduction (R1)
II. thème1 (T1): grand-mère "C' est sans doute l'existence de notre corps, semblable pour nous à un vase où notre spiritualité serait enclose." (p. 153) "Comme un homme mal éveillé croit percevoir tout près de lui les bruits de son rêve qui s'enfuit." (p. 154) "je la retrouvai comme dans un miroir, une simple étrangère qu'un hasard a fait passer quelques années auprés de moi" (p. 155) "J'aurais voulu que s'enfonçassent plus solidement en moi ces clous qui y rivaient sa mémoire" ( p. 156) "la brusque révélation de la mort, avait, comme la foudre, creusée en moi, selon un graphique surnaturel, inhumain, comme un double et mistérieux sillon" (p. 156) "dans la profondeur organique et devenue translucide des viscères mistérieusement éclairés" (p. 157) "nous nous sommes embarqués sur les flots noirs de notre propre sang comme sur un Léthé intérieur aux sextuples replis" (p. 157) "dès que j'eus abordé sous les porches sombres" (p. 157) "mais je savais qu'elle existait encore, mais d'une vie diminuée, aussi pâle que celle du souvenir" (p. 158) "dans cette petite chambre qu'on a louée pour elle" (p. 158) "du reste, tu sais, elle est très éteinte" (p. 159) "la plénitude lumineuse de la plage creusait un vide dans mon coeur" (p. 159) "sous la rotondité du ciel pâle et divin je me sentais opressé comme sous un immense cloche bleuâtre fermant un horizon où ma grand-mère n'était pas." (p. 159) "cette cloison qui servait jadis entre nous deux de messager matinal, cette cloison qui, aussi docile qu'un violon à rendre toutes les nuances d'un sentiment, (...) je n'osais pas approcher de cette cloison plus que d'un piano où ma grand-mère aurait joué (...)" (p. 159)
III. mise en relief du récit (R2)
IV. thème 2 (T2): mère "du sac de ma grand-mère, devenu plus précieux que s'il eût été de saphirs et de diamants" (p. 166) "elle avait l'air d'aller à la recherche d'une morte" (p. 167) "le monde semblait à peine réelle et mon souffrance l'empoisonnait tout entier" (p. 168)
V. mise en relief du récit (R3)
VI. (T3) révélations "Il était dressé comme un théâtre, et une nombreuse figuration l'animait jusque dans les cintres. Bien que le client ne fût qu'une sorte de spéctateur, il était mêlé perpétuellement au spectacle, non même comme dans ces théâtres où les acteurs jouent une scène dans la salle, mais comme si la vie du spectateur se déroulait au milieu des somptuosités de la scène." (p. 170) "Les couloirs des étages dérobaient une fuite de caméristes et de courrières, belles sur la mer comme la frise des Panathénées" (p. 170) "je pouvais me demander si je pénétrais dans le grand hôtel de Balbec ou dans le temple de Salomon" (p. 171) "les expressions de son visage étaient écrites dans une langue qui n'était pas pour moi" (p. 172) "cette étrangère, j'en étais en train de regader la photographie par Saint-Loup. (p. 172) "comme un amnésique retrouve son nom, comme un malade change de personnalité" (p. 173) "nous ne nous mettons pas assez dans le coeur de ces pauvres femmes de chambres" (p. 174) "nous fermons ainsi notre coeur au pathétique des campagnes" (p. 174) "la dignité du "clos"" (p. 174) "tenant le balai comme un spectre, poussant son rôle au tragique" (p. 174) "j'aimai Françoise d'une affection, intermittente, il est vrai, mais du genre le plus fort, celle qui a pour base la pitié" (p. 174) "ma grand-mère avait un air de condamnée à mort, un air involontairement sombre, inconsiemment tragique, qui m'échappait" (p. 175)
conclusion

V. Bibliographie




[1] Version abrégée de mon travail de mémoire du même titre, réalisé en 1998 au Département de Français de l'Université ELTE
[2] Jean-Yves Tadié, Proust et le roman, Éd. Gallimard, 1991, p. 431
[3] Pour la situation du passage dans le roman et la structure du passage voir annexes I. et II.
[4] Éméric Fiser, L'Esthétique de Marcel Proust, Librairie de la revue franaise, 1933, p. 105-129
[5] Jean-Yves Tadié, Proust, Belfond, 1983, p. 104
[6] volume 3, p. 1225-1233
[7]Proust, CSB p.243
[8] Jean-Yves Tadié, Proust et le roman, Éd. Gallimard, 1991, p. 430
[9] Jean Milly, Proust et l'image, BMP, 1970, n20, pp. 1031-1043, dans: Pálfalvy Anikó, Les métaphores d'usage et les métaphores d'invention dans Combray de Marcel Proust, Mémoire de DEA, Université Paris III, 1995, p.12
[10] REY, Alain - CHANTEREAU, Sophie, Dictionnaire des expressions et des locutions figurées, Les usuels du Robert, Larousse, 1989, p. 217
[11] "Alors s'étaient entrés dans les artères de Bloch d'un seul coup tant d'idées, (...) qu'il avait eu comme un coup au coeur, un transport au cervau et s'était écrié (...) Si j'avais su!"(tome II. p. 505)
[12] Flaubert, Madame Bovary, t. 2, 1857, p.46 cité dans le Dictionnaire Trésor de la Langue Française, p. 756
[13] Laennec, Auscult., t. 2, 1819, p. 233 cité dans le Dictionnaire Trésor de la Langue Française, p. 756
[14] Henry, Anne, Théories pour une esthétique, Paris, 1981, Klincksieck (643.405)
[15] "az aggkorú (...) csak árnyéka, kisértete elõbbi lényének"
[16] "nem az élet vége az, ami a halált olyan rettenetessé teszi (...), hanem inkább a szervezet pusztulása, mert a szervezet nem egyéb mint a testenként megjelenõ akarat."
[17] "In mirrors, Proust finds a very fertile and stimulating source of imagery. The fact that mirrors reflect, that they reflect in reverse and that they reflect accurately in every detail provides him with several incidental features which he fully exploits in widely different fields of analisis. " V. E. Graham, Imagery of Proust, p. 133
[18] t.VI, p. 153 dans " V. E. Graham, Imagery of Proust, p. 133
[19] t. I, p. 134 dans " V. E. Graham, Imagery of Proust, p. 133
[20] GENETTE, Figures III., P. 199
[21] Henry, Anne, Théories pour une esthétique, Paris, 1981, Klincksieck (643.405) p. 338-339
[22]A tudat az élettel együtt megszûnik, ugyanúgy mint az álomban vagy az ájulásban, a halál tehát csak az eszméletet érinti.
[23] Marcel Proust, Contre Sainte-Beuve, 1954, Gallimard, p.211



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