PALIMPSZESZT
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PÁL Ágnes
Athalie et les intermittences du coeur


L'analyse des pastiches, des citations et des références littéraires dans le texte d'A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU est un des buts de la critique proustienne actuelle. L'essai suivant a pour finalité de montrer comment dans le passage intitulé LES INTERMITTENCES DU COEUR l'auteur rend présent le texte d'Athalie et quelles nouvelles voies s'ouvrent dans l'interprétation de ce passage du roman par la référence au texte de Racine.

Dans le passage LES INTERMITTENCES DU COEUR c'est un fragment d'à peine trois pages[1] qui est basé sur l'évocation du drame Athalie, (mais c'est sur le passage entier que portera cette référence !) Le titre du drame n'apparaît que vers la fin de ce fragment mais voyons d'abord comment l'auteur prépare cette apparition.
Le théâtre est un symbole qui fait partie de la suite d'images représentant le monde clos. Il est introduit comme comparant dans la comparaison Grand-Hôtel-théâtre.

"Il était dressé comme un théâtre et une nombreuse figuration l'animait jusque dans les cintres." (p.170)

Cette comparaison est développée, expliquée, enrichie. Elle est nuancée d'abord par la définition de la relation client-spectateur qui serait une sous-comparaison de celle de l'hôtel au théâtre:

"Bien que le client ne fût qu'une sorte de spectateur, il était mêlé perpétuellement au spectacle, non même comme dans ces théâtres où les acteurs jouent une scène dans la salle, mais comme si la vie du spectateur se déroulait au milieu des somptuosités de la scène." (p. 170)

Subtilité extrême, cette dernière comparaison "comme si la vie du spectateur se déroulait au milieu des somptuosités de la scène" suggère que dans ce cas, c'est comme si les spectateurs étaient acteurs, sans le savoir peut-être, puisque leur vie se déroule seulement, ils ne jouent pas sur scène. Or ce sont les clients de l'hôtel (et entre eux le narrateur!) dont il s'agit, qui sont comparés aux spectateurs-acteurs involontaires. Le narrateur est un des participants de la scène, client de l'hôtel, etc., mais par l'expérience profonde vécue il peut considérer la scène de point de vue extérieur.
Le sujet principal du passage est le procès de la modification de la vision du monde du héros:

"En contraste avec tout cela, le monde semblait à peine réelle, et ma souffrance l'empoisonnait tout entier." (p.169)

Il est important de mentionner que la découverte de la similitude entre l'hôtel et le théâtre (exprimée par la comparaison) est précédée d'une tentative de sortie du monde (clos) de l'hôtel, une première tentative infructueuse de retrouver le monde du dehors.

"Enfin, ma mère exigea que je sortisse. Mais, à chaque pas, quelque aspect oublié du Casino (...) m'empêchait, comme un vent contre lequel on ne peut pas lutter, d'aller plus avant(...)Et aprcs avoir repris quelques forces, je revenais vers l'hôtel" (p. 169)

C'est ce moment précis du retour, ayant comme scène le seuil de la porte de l'hôtel, qui est celui de l'évocation de l'image du théâtre. Cette méthode nous rappelle la technique cinématographique de l'éloignement du caméra: jusqu'ici centrée sur le héros-narrateur et son milieu, au moment de franchir l'entrée, le `caméra' focalise le jeune chasseur, portier le l'hôtel, dont les gestes évoquent ceux d'un acteur, puis s'en éloigne et montre l'hôtel, les domestiques (la scène et les acteurs) en plan total. C'est ainsi, que peut surgir l'association, comme d'une optique extérieure.

L'association théâtre-hôtel est introduite par la description de la conduite d'un jeune chasseur de l'hôtel, avec des remarques ironiques:

"La vérité était que dans la vie, ce jeune chasseur ne savait qu' ôter et remettre sa casquette, et le faisait parfaitement bien."(p. 169)

Puis, les domestiques de l'hôtel sont comparés à des figurants dans la structure de la comparaison théâtre-hôtel. Ils font aussi bien partie de la représentation, que les clients de l'hôtel.

Par la représentation, en effet, nous atteignons le point culminant de cette comparaison: le théâtre comme édifice n'est donc qu'une image intermédiaire: la pièce représentée dans le théâtre est le comparant centrale:

"comme une sorte de tragédie judéo-chrétienne ayant pris corps et perpétuellement représentée." (p. 171)

Comme par hasard (et peut-on parler de hasard dans la prose proustienne?) la pièce représentée se concrétise:

"les vers de Racine qui m'étaient venus à l'esprit, (...) cette fois-ci non plus d'Esther, mais d'Athalie" (p. 171)

Nous ne pouvons résister la tentation de citer tout un passage du drame, du monologue d'Athalie:

Je jouissais en paix, du fruit de ma sagesse;
Mais un trouble importun vient, depuis quelques jours,
De mes prospérités interrompre le cours.
Un songe (Me devrais-je inquiéter d'un songe?)
Entretient dans mon coeur un chagrin qui le ronge:
Je l'évite partout, partout il me poursuit.
C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit;
Ma mère Jézabel devant moi s'est montrée,
Comme au jour de sa mort pompeusement parée,
Ses malheurs n'avaient point abattu sa fierté;
Même elle avait encore cet éclat emprunté
Dont elle eût soin de peindre et d'orner son visage,
Pour réparer des ans l'irréparable outrage:
Tremble m'a-t-elle dit, fille digne de moi;
Le cruel Dieu des Juifs l'emporte aussi sur toi.
Je te plains de tomber dans ses mains redoutables,
Ma fille. En achevant ces mots épouvantables,
Son ombre vers mon lit a paru se baisser;
Et moi je lui tendais les mains pour l'embrasser;
Mais je n'ai plus trouvé qu'un horrible mélange
D'os et de chairs meurtris et traînés dans la fange,
Des lambeaux pleins de sang, et des membres affreux
Que des chiens dévorants se disputaient entre eux."[2]

Sans vouloir pousser trop loin l'établissement des rapports communs entre les deux textes, nous pouvons constater que la situation est identique:

Un songe (Me devrais-je inquiéter d'un songe?)
Entretient dans mon coeur un chagrin qui le ronge:
Je l'évite partout, partout il me poursuit.

Celle qui apparaît dans le songe est la personne aimée morte (la mère d'Athalie, la grand-mère du narrateur). Son apparition est tellement véridique qu'elle est choquante, dans les deux cas cette vision est un point décisif du trame, dans ATHALIE elle est à la base de l'action, de plus, le rêve prophétique anticipe le dénouement, dans le roman, elle apporte un changement dans la vision du monde du narrateur. La description de l'apparue:

Ses malheurs n'avaient point abattu sa fierté;
Même elle avait encore cet éclat emprunté
Dont elle eût soin de peindre et d'orner son visage,
Pour réparer des ans l'irréparable outrage:

rappelle ce que révèle Françoise au sujet de la photographie de la grand-mère:

"elle ne voulait plus parce qu'elle se trouvait trop mauvaise figure. (...) Mais (...) elle finit par s'arranger si bien, en mettant un grand chapeau rabattu, qu'il n'y paraissait plus, quand elle était au grand jour." (p. 173)

Dans Athalie, les personnages principaux sont Athalie et son petit fils Joas, et le personnage évoqué dans le rêve est la mère d'Athalie, mais c'est aussi dans le même rêve que Joas apparaît à Athalie. La révélation de la réalité concernant le secret de l'origine de Joas s'effectue par les personnages secondaires: Joad et Josabet.

Chez Proust, nous pourrions tracer un réseau de personnages qui rappelle celui d'ATHALIE: le héros est le narrateur, les deux autres personnages principaux sont sa mère et sa grand-mère qui est évoquée par le souvenir et par le rêve. C'est au petit-fils (le narrateur) qu'apparaît l'image de la grand-mère. Les personnages secondaires sont le directeur et Françoise, leur rôle est celui d'intrus quand ils interrompent la solitude du héros, puis celui des personnages témoins, puisqu'ils révèlent des faits du passé. Les figurants dans ce passage ont une fonction de réveil d'associations, ainsi sont-ils à l'origine de l'association relative au théâtre.

L'enfant Joas, caché du monde, est élevé dans le temple de Salomon. Ce temple constitue son monde, qui est une fois de plus un monde clos. Il n'est pas exclu, que par ce parallélisme, la figure du narrateur-héros du roman se rapproche à celle de Joas. L'auteur d'Á LA RECHERCHE ne mentionne pas Joas, mais insiste sur la ressemblance de la vie des domestiques de l'hôtel à celle des lévites du temple de Salomon.

"Car sauf leur "jour de sortie", "loin du monde élevés" et ne franchissant pas le parvis, ils menaient la même existence ecclésiastique que les lévites dans Athalie" (..) (p. 171)

L'auteur clôt la série d'images par une technique de téléobjectif: si nous avons mentionné au début l'éloignement du caméra, en suivant cette comparaison, nous pourrions dire qu'il enfoque de nouveau le personnage central et avec lui, son entourage. Le commentaire du narrateur réactualise la comparaison qui est toujours en vigueur avec tout ce qu'elle évoque, présent dans la pensée du narrateur:

"je pouvais me demander si je pénétrais dans le grand hôtel de Balbec ou dans le grand temple de Salomon." (p. 171)

Nous pouvons donc constater l'interférence des deux textes: le texte d'Athalie évoqué est devenu présent dans le roman. C'est la fusion absolue qui est constatée à niveau textuel dans cette remarque du narrateur.




[1] P. 169-171 (Proust: A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU : SODOME ET GOMORRHE, Pléiade)
[2] Racine: Athalie, Acte 2, scène V., dans Théatre complet de Racine, Éd. Garnier, 1960, p.669



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