Levente SELÁF

Les « chansonniers pieux »

 

 

 

 

1. Dans la poésie des langues vulgaires les chansons pieuses constituent un genre relativement bien distingué des chansons qui chantent l’amour courtois, autant par les traités de poétique médiévaux que par les théoriciens modernes.[1] Les chansons mariales, les louanges écrites à l’honneur de Dieu ou des saints et quelques autres poèmes d’argument religieux, comme les confessions font partie de ce corpus. La distinction des poèmes pieux de ceux de caractère moralisant ou politique, comme les spécimens des genres sirventes et vers de la poétique médiévale est beaucoup moins nette.[2] Et on trouve plusieurs poèmes d’un argument qu’on qualifierait difficilement de religieux, qui contiennent une invocation, une sorte de prière dans une partie spécifique de leur corps : soit dans l’incipit, soit, plus fréquemment, dans la tornada. Mais ce qui est général est que dans toutes les littératures romanes médiévales nous trouvons les traces d’une poésie lyrique religieuse. Tous ces systèmes maintiennent une relation similaire entre poésie latine et poésie en langue vulgaire, donc leurs poésies religieuses peuvent être mises au même niveau. Vu la grandeur du corpus de la poésie lyrique en français et en provençal, essentiellement c’est l’examen de ces deux littératures qui nous préoccupera.

Dans une analyse comparative des différentes traditions sur le plan de la forme on rencontre des genres très divers. Cet article prend en considération les poèmes qui sont composés en forme de chanson, de ballade, de danse, de lai, de virelai etc.. La catégorie « chanson pieuse » signifiera, pars pro toto, tous ces poèmes chantés de la lyrique courtoise. Selon l’opinion courante, dans sa forme un poème pieux imite en général (selon certains toujours) un poème laïc, courtois, dont il emprunte la charpente métrique, souvent les rimes ou les timbres de rimes et la musique. Ce procédé d’imitation formelle était le propre du système entier, nous le trouvons aussi, dès les débuts de la poésie courtoise, entre les poèmes de caractère purement mondain. La seule question importante est d’examiner, s’il y a un rapport entre le contenu des deux poèmes, pour voir si le choix du modèle, et ainsi l’imitation, est motivé. Nous trouvons les deux cas, mais les pures reprises de forme sont en majorité. On ne sait pas, si cela est dû au changement de la poétique courtoise dans son intégralité au cours du 13e siècle[3] ou bien qu’il s’agît d’une spécificité des poèmes religieux.

Pour dessiner les contours du genre, il faut examiner le niveau le plus haut de l’organisation : l’ordre et la place des poèmes dans les manuscrits, et plus particulièrement dans les recueils de chansons. Ici même nous trouvons des points qui distinguent, aussi clairement qu’aux niveaux inférieurs, les poèmes religieux, justifiant ainsi leur traitement spécifique. Selon la classification peu éclairante du Grundriss « les manuscrits qui contiennent des poèmes pieux sont de deux sortes : ce sont ou bien des manuscrits liturgiques ou bien des manuscrits littéraires. »[4] Dans les manuscrits liturgiques ces pièces sont entourées de leurs équivalents latins, qui ont une valeur prééminente par rapport aux poèmes en langue vulgaire du même recueil. Les motets sont parfois traités d’une manière analogue ; il ne faut pas oublier que souvent des motets profanes participent aussi dans ces recueils, et que le bilinguisme se présente déjà au niveau structural de la chanson.[5] Les manuscrits « littéraires » sont très divers. Il y a des unica copiés par exemple aux folios de couverture de certains manuscrits ou sur la place restée libre entre la copie des corps de textes principaux. Il y a aussi des œuvres narratives qui contiennent des insertions lyriques. Mais la grande majorité des poèmes que nous connaissons de la poésie courtoise nous est léguée par des recueils de chansons, les chansonniers, et cela est vrai aussi dans le cas des poèmes pieux. Traditionnellement on sépare très strictement la matière de la tradition des chansonniers des chansons pieuses trouvables dans les manuscrits d’autre nature.[6]

La définition du chansonnier en tant que structure organisée n’est pas extrêmement claire. Dans son étude classique István Frank dit que « ces recueils constituent... un type codicologique bien déterminé, et dont l’expansion se laisse assez bien discerner dans ses grandes lignes ».[7] Il serait peut-être plus exact de dire qu’il existe plusieurs types de manuscrits qui sont des chansonniers. Ils divergent et peuvent être classés selon le rôle des pièces narratives dans le recueil, selon leur principe d’organisation de l’ordre des chansons (par auteurs, par genres, par incipit). Nous avons un groupe de recueils, justement ceux qui contiennent thématiquement des poèmes pieux, qui me semble constituer une sous-classe spéciale, pas encore traité en tant que telle des chansonniers.

 

2. Dans son ouvrage fondamental consacré aux chansonniers provençaux, François Zufferey a clairement séparé les chansonniers proprement dits, compilés pour contenir essentiellement des chansons, des manuscrits qui ne contiennent des chansons que par accident ou en tant qu’éléments de la structure narrative.[8] Il a réduit ainsi le nombre des chansonniers occitans à 40. La même systématisation n’a pas été faite dans le domaine ancien français ; mais selon ces critères seulement quelques chansonniers français, C, V, x et a pourraient être prise en considération dans une étude spécifique, consacrée aux manuscrits des poèmes pieux.[9] Le titre de mon étude utilise le mot « chansonnier » dans un sens de nouveau élargi : réceptacle, lieu de rassemblement des poèmes pieux.

Les chansonniers ordinaires regroupent souvent les poèmes pieux ; il y a deux traitements différents. Dans certains recueils ils ont le rôle de marquage de la fin et parfois du début d’une grande partie des sections consacrées aux troubadours, c’est aussi le cas du chansonnier occitan C.[10] Quant aux trouvères, le chansonnier ancien français C est semblable, il donne les poèmes dans l’ordre alphabétique de leurs incipit (mais en les laissant anonymes), en complétant cette structure avec des poèmes pieux au début et à la fin de chaque section. L’autre solution est de consacrer aux poèmes religieux des sections séparées, comme le font les chansonniers ancien français V, X et a. Dans ces manuscrits les poèmes religieux sont majoritairement anonymes, et leur traitement spécial montre que ce genre a été considéré comme autonome, un représentant des formes mineures de la lyrique courtoise, au même niveau que les jeux-partis, lais et descorts etc.. Schwan suppose, et c’est une autre interprétation du rôle et de l’origine de ces sous-ensembles, l’existence des recueils de chansons pieuses à part, qui ont été copiés dans les manuscrits qui contiennent d’une manière globale des chansons diverses. On peut aussi poser la question, quel pouvait être le public des chansonniers qui avaient de sections particulières pour les chansons pieuses, s’il était différent sociologiquement des autres publics de la poésie courtoise, mais il n’est aucunement certain qu’une telle investigation pourrait amener à un résultat quelconque.

 

4. La présente étude veut brièvement examiner certains recueils qui contiennent seulement des poèmes pieux (particulièrement des poèmes mariaux), ou bien ces poèmes sont en grande majorité au sein du corpus recueilli par le compilateur du manuscrit, et voir, quelles sont les ressemblances et les différences entre ces structures et celles des chansonniers définis de la manière traditionnelle. Les « chansonniers à l’honneur de la Vierge » ou « chansonniers religieux » compris dans ce sens, ne contiennent pas seulement des textes lyriques.[11] Toutes les pièces des Cantigas de Santa Maria sont de point de vue de la forme des chansons (ou ballades ou autres formes lyriques), mais ce n’est que les cantigas de loor qui sont effectivement des poèmes lyriques, des louanges, nous en trouvons 64 pièces ; les autres sont des récits de miracle, pièces narratives ; de ce point de vue ce recueil est de même caractère que les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coincy ou le Rosarius plus tardif.

Les compilations prises en compte sont essentiellement des recueils de miracles ; les exceptions sont les autres recueils de lectures pieuses.[12] Leur superstructure est différente de celle des chansonniers proprement dits. Les chansonniers français ne contiennent pratiquement pas d’éléments narratifs, pas de prose ; si les manuscrits accordent une place aux romans, récits, traités, leur rapport avec les chansons n’est pas direct et ces autres éléments n’ont pas un rôle explicatif.[13] Par contre, dans la tradition occitane les vidas et les razos, qui soit précèdent les sections consacrées à tel ou tel poète, soit suivent séparément le corps du chansonnier proprement dit, servent d’explication, de présentation, d’interprétation aux pièces lyriques, fondant ainsi une structure déjà plus compliquée. Le commentaire narratif et la biographie du troubadour servent d’illustration aux chansons. Dans les recueils de miracles les exempla, les miracles et prodiges ont aussi une fonction d’exemple et d’illustration, mais de la grâce, de la bonté, du pouvoir de Dieu et de ses proches ; les chansons en sont la conséquence, et dépendent ainsi des récits. Les miracles fournissent l’occasion de louer le Seigneur ou la Vierge, et les chansons servent à la louange. L’anonymat général des chansons pieuses dans nos recueils est une conséquence de cette fonction primitive des poèmes de cette nature. Il y a des recueils mariaux dont nous ne connaissons même pas le compilateur : (RosariusMiracles de Nostre Dame par personnages). Mais nous trouvons aussi des exceptions : à part les compilateur-auteurs connus, comme Alphonse le Sage et Gautier de Coincy, nous connaissons par exemple la prière de Thibaut d’Amiens, qui lui est attribué expressément par plusieurs manuscrits.

 

4. On peut soumettre à une analyse plus poussée deux recueils différents, séparés dans le temps, par leurs outils stylistiques, leur statut comme objet de l’investigation littéraire et philologique, et leur manière d’organiser le corpus des chansons, pour voir ainsi les différences d’avec les « chansonniers ». Il s’agit de l’œuvre de Gautier de Coincy, et du Rosarius.

Les manuscrits qui ne contiennent que des chansons pieuses, ont été répertoriés par les savants qui se sont occupé des chansonniers. Mais les philologues à la suite de Jeanroy, n’ont attribué qu’un seul sigle, notamment α, à l’intégralité des manuscrits qui contiennent les poèmes de Gautier de Coincy ; lui, dans sa Bibliographie sommaire des chansonniers français du moyen âge les a pris en considération comme un seul, parmi les manuscrits divers contenant des chansons françaises.[14] Cette façon de procéder peut être rapprochée de diverses formules similaires : ainsi elle est assimilable avec celle qui range sous le même sigle les manuscrits dont on peut reconstituer le chansonnier perdu de Guilhem de la Tor, donc l’œuvre d’un compilateur, ou bien avec celle qui traite séparément les chansonniers d’un auteur (comme les pièces de Thibaut de Champagne ou celles de Guiraut Riquier) et dont on suppose l’existence à partir des catalogues des bibliothèques médiévales ou autres indices, comme leur ordre plus ou moins constant dans les chansonniers que nous possédons. L’auteur et le compilateur se joignent hypothétiquement dans le personnage de Gautier de Coincy. Par contre, dans la littérature qui est consacrée spécifiquement à son œuvre, les chansons qui se trouvent dans les manuscrits de ses Miracles sont divisées selon leur fréquence sur un niveau global, le seul critère applicable, lui-même assez instable, en chansons authentiques et apocryphes.

Gautier est considéré par l’histoire littéraire comme un auteur original, dans le sens et la mesure où il n’a pas encadré dans son recueil des pièces provenant d’autres sources.[15] C’est ainsi que les chercheurs prennent pour apocryphes (sic !) les chansons qui ne se trouvent que dans certains manuscrits des Miracles de Gautier ; les recherches de Jacques Chailley semblent prouver qu’il y a 27 pièces lyriques en ancien français et 16 en latin dans des manuscrits des Miracles de Nostre Dame qui proviennent d’autres sources. Les manuscrits d’un corpus lyrique élargi (ou bien modifiés aussi par addition) sont au nombre de 10. Ainsi pouvons nous dire que ces manuscrits ont servi de réceptacle aux poèmes pieux, en tant que chansonniers. Le plus important en est le manuscrit D,[16] collection de chansons latines et françaises.

On peut hasarder plusieurs hypothèses concernant ce rôle de recueil. La moins probable paraît être celle qui soutient que le compilateur des apocryphes a voulu abuser de l’autorité de Gautier ; il est plus probant que l’usage, la fonction du manuscrit en tant que lectionnaire (ou même son rôle quasi liturgique), au moins dans le cas du manuscrit D, a poussé « l’auteur » à recueillir tous les spécimens du genre « chanson pieuse » connus par lui, indépendamment de la langue, de la forme poétique, parmi les Miracles de Nostre Dame de Gautier.[17]

 

5. Une partie des manuscrits des Miracles de Nostre Dame a été copiée et restait dans les monastères.[18] Le projet original fut aussi conçu dans une abbaye par l’auteur, donc on suppose, probablement à tort, que l’original faisant autorité restait dans ce milieu après la mort du prieur de Vic, et que l’autorité de cet exemplaire original était plus considérable que dans le cas de beaucoup d’autres manuscrits littéraires.[19] Mais nous trouvons parmi ceux de Gautier pas mal qui ont circulé dans le monde des laïcs. Par exemple le fameux manuscrit de Soissons (S - B.N. nouv. acq. fr. 24541), très richement illustré, était en possession de et très probablement exécuté pour un membre de la famille royale, peut-être Jean le Bel, d’après les recherches de Ducrot-Granderye.[20] Ce qui est un peu étrange est le fait que le texte soit accompagné de gloses en latin tout au long (sauf les chansons), qui donnent une autorité biblique, patristique ou quelconque à l’appui des conseils et propositions de Gautier. Le manuscrit L (B.N. fr. 22928) porte aussi plusieurs indices qui pourraient témoigner en faveur de possesseurs et lecteurs « amateurs ». Ainsi il contient quelques notes en français, en marge, au début de certains paragraphes qui sont intercalés dans le noyau narratif, essentiellement comme des enseignements, et cette sorte de rubrique secondaire indique le contenu. Deux suppositions possibles émergent. Soit elles ont aidé un prédicateur, un lecteur public à ne pas manquer à commenter ces parties,[21] soit, ce qui est plus probable, elles ont invité à la lecture plus attentive le lecteur solitaire. C’est en plus le manuscrit le plus soigné après S, et il contient de nombreuses miniatures, lettrines et drôleries.[22]  Il paraît alors que l’œuvre de Gautier qui n’a pas été censé s’adresser seulement au milieu clérical a vraiment trouvé un public dans les cours seigneuriales qui ont aussi accueilli les chansonniers courtois, et que certaines des réécritures du recueil de Gautier pouvaient être effectuées ici ou bien pour ce public. D’ailleurs la création du recueil des Cantigas de Santa Maria était aussi un large projet royal, qui ne peut pas être jugé monacal ou ecclésiastique. Par contre le manuscrit du Rosarius reflète dans toutes ses caractéristiques qu’il a été copié dans un monastère (cf. infra).

 

6. Nous savons peu sur l’évolution des chansonniers. Depuis Gröber on suppose que premièrement des Liederblätter encadrant les poèmes d’un seul troubadour ou trouvère ont circulé. Les traces les plus anciennes de l’organisation interne, et même peut-être auctorielles, dans le corpus d’un auteur lyrique d’oïl se trouvent chez Thibaut de Champagne. Les Grandes Chroniques de France écrivent qu’il a fait copier ses chansons dans des livres, dans des recueils spéciaux. Le fait que plusieurs chansonniers commencent par ses œuvres, et que leur ordre dans les différents manuscrits est quasiment identique, semblent prouver cette supposition.

Selon Sylvia Huot les travaux d’Adam de la Halle fournissent le premier exemple des « œuvres complètes » recueillies dans le même manuscrit.[23] Le trouvère artésien écrivit des chansons, des fabliaux, des textes de caractère moralisant etc. Dans de nombreux manuscrits ces pièces se trouvent pratiquement toutes, et leur succession suggère l’idée d’une organisation volontaire, biographique des œuvres du poète.

Quoique Sylvia Huot parle dans son livre des Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coincy, elle ne les prend pas en considération dans sa description de la genèse des recueils organisés. « His Miracles de Nostre Dame, dit-elle, are transmitted as a group, complete with prologues and epilogues for each of the two books, in several thirteenth century manuscripts, and he explicitly refers to his work as a book that he plans to have copied, illuminated and disseminated. »[24] Mais : « Gautier, however, was a monastic and not a court poet ; he belongs to a different milieu and a different tradition, one in which an author was more likely to be involved in book production. »[25]

Gautier est alors exclu, parce qu’il était un moine et parce qu’il a eu des modèles latins pour la création de son recueil. Ceci, bien que chronologiquement cet ouvrage précède de nombreux autres, de caractère profane, pareillement structurés. Sylvia Huot dit à propos des manuscrits d’Adam de la Halle, que selon ce qu’elle sait, « no comparable formation of generically diverse, vernaculare single-author collection survives from before those of Machaut, dating from the middle and late fourteenth century. »[26] Il faut savoir ce qu’on entend par « generically diverse ». Sylvia Huot utilise ce terme pour distinguer poésie lyrique, dramatique et narrative.[27] Les manuscrits des Miracles de Gautier contiennent des pièces lyriques et narratives. Il est vrai, que leur registre (registre ici dans le sens de thématique) reste plutôt uniforme, mais les recueils pourraient être pris en considération dans une telle investigation.

Gautier était un auteur-compilateur. Si Huot cherche quelqu’un qui aurait rangé ses poèmes lui-même dans une suite, elle le trouve dans sa personne ; si elle a besoin d’un recueil complété par d’autres compilateurs, elle a à sa disposition entre autres le manuscrit D des Miracles. Nous ne connaissons qu’un seul ouvrage de Gautier hors ses Miracles : c’est La Vie de Sainte Cristine, conservée par deux manuscrits et quelques fragments d’un troisième.[28] C’est un ouvrage de jeunesse, dit-on, qui a été associé dans l’un des deux manuscrits complets connus par nous avec les Miracles ; c’est le E selon la siglaison de Ducrot-Granderye. Il est vrai que ce manuscrit est tardif (daté de 1465 par la scribe), mais il se peut bien que l’idée de cette association soit antérieure. Dans E le caractère lyrico-narratif est pratiquement anéanti, comme le compilateur garde seulement les chansons de l’histoire de Sainte Leochade, qui ferme la première partie du recueil, la première strophe de la chanson qui suit immédiatement le prologue du second livre pour ne pas devoir mutiler le texte narratif du modèle, et en dernier lieu la chanson Entendez tuit.

Le manuscrit H a choisi une autre présentation du contexte des récits. Son compilateur a considéré comme centrale « l’œuvre » de la Vierge, et à la manière des vitae des saints et des martyrs, il a copié sa vie, sa mort et l’histoire de la Passion devant les Miracles de Gautier.[29] Les manuscrits R et L, déjà du 14e siècle, sont semblables dans leur conception. Le fait que les tables généalogiques de la Vierge apparaissent peut apparenter ces manuscrits avec d’autres genres, de principe généalogique.

Dans une partie des manuscrits qui ne contiennent que dans un état fragmentaire les Miracles, et d’où en général il manque les chansons, les récits sont entourés par des histoires des Vies des pères, ou autres contes pieux, tirés de la Bible ou de la littérature hagiographique et didactique religieuse.

La seule différence avec l’idée des œuvres complètes est que la fiction biographique allant des débuts de la carrière du créateur jusqu’à sa mort fait défaut dans les manuscrits des Miracles. Ceci est dû au fait que Gautier était à l’origine du recueil composé, et que son œuvre intégral n’était pas constitué de suffisamment de pièces pour dessiner une biographie d’auteur.[30]

En conclusion de l’analyse rapide des manuscrits de Gautier de Coincy nous pouvons dire qu’on peut suivre le sort de son recueil et les différentes contextualisation qu’il a subi. Dans S, manuscrit de milieu curial (et cette cour est celle des rois de France), les philologues voient l’un des meilleurs représentants du projet original de Gautier. En plus il contient des doubles de la première séquence des chansons, nous faisant connaître ainsi selon Chailley la première phase de la rédaction des chansons de Gautier.[31] E et N, qui sortent certainement d’un milieu monacal ou au moins ecclésiastique, sont mutilés d’une partie des miracles ou des chansons, et les pièces de Gautier sont mêlées avec d’autres récits éducatifs. Il y a aussi une chanson de Gautier qui est entrée dans un grand chansonnier des trouvères ce qui prouve l’interdépendance et un réseau des manuscrits qui les implique tous, indépendamment de leur milieu d’origine.[32]

Quand Jeanroy attribue un seul sigle aux manuscrits de Gautier, il ne se rend pas compte que la littérature médiévale a constitué des réseaux : entre les divers manuscrits et compilations nous trouvons une interdépendance, contrairement à l’idée d’une descendance généalogique directe. Le recueil original, qui doit être au moins mentalement reconstitué par nous, doit aussi et surtout être envisagé dans ces différentes transformations, recompositions. La grande majorité des manuscrits portent la trace d’une réinterprétation méditée du matériel qui était à la disposition des scribes dans un manuscrit déjà lui-même construit. Le chansonnier de Gautier est un dans ses diverses manifestations ; c’est le système des miracles, le cadre qui en fait un. Mais il est multiple en même temps, et chacun des manuscrits qui contient des chansons est un chansonnier autonome par sa construction intérieure.

La remarque de Huot est vraie. Les compilateurs des recueils pieux, comme Gautier de Coincy, avaient à leur disposition des modèles latins. Mais c’est justement la spécificité de ces manuscrits religieux qui nous importe : leur organisation très poussée et très savante, et que le projet initial de Gautier a été très rapidement transformé et modifié selon le public et le but des copistes des manuscrits. Les réorganisateurs ont profité de chaque possibilité que le caractère complexe de l’original leur a offerte pour le changer. C’est cette multiple transformation, et peut-être le rôle de modèle, qui rend utile l’examen du contexte des œuvres pieuses pour la reconstruction de l’histoire des superstructures textuelles de la littérature vernaculaire médiévale.

 

7. Le même domaine nous offre un modèle de structuration plus tardif et bien différent. Le Rosarius est un manuscrit du milieu du 14e siècle fait dans le Soissonais. C’est l’unique copie, largement endommagé, d’une compilation faite à l’honneur de la Vierge Marie. Le compilateur Je, qui est vraiment un compilateur donne plusieurs détails personnels, un peu à la manière de Gautier de Coincy. Ce qui n’est pas accoutumé est le fait que le compilateur donne selon ce manuscrit partout sa source et il identifie les commentaires auctoriels par le mot Rosarius, souvent abrégé.[33]

Kunstmann cite Långfors, qui essaie de définir le genre : « un livre de lectures pieuses, où les morceaux profanes ont le même but que les exemples des sermonnaires. Il a sans doute été destiné à être lu devant une congrégation de moines ou peut-être de religieuses : les préceptes s’adressant particulièrement aux femmes sont nombreux. »[34]

Il le compare avec Les contes pieux de Nicole de Bozon, ouvrage encyclopédique, ayant le même principe d’organisation (préceptes et conseils moraux suivent une histoire édifiante). Les chapitres sont rangés sous le signe d’un animal symbolique, d’une pierre précieuse, d’une plante etc.

Quant au genre des chansons, selon Kunstmann plusieurs sont de caractère profane.[35] Constatation qui est fondée probablement – et d’une manière fautive – sur une remarque de Långfors, et sur le fait que Järnström et Långfors n’ont pas inclus certaines des pièces lyriques du manuscrit dans leur anthologie des chansons pieuses. Leurs raisons ont été diverses : soit ce n’étaient pas des chansons par leur forme, soit elles ont été éditées par d’autres éditeurs, et dans un seul cas ils ont considéré à juste titre que le poème incriminé n’est pas de caractère pieux, mais un simple jugement moral de l’état du monde.[36]

Il y a différentes introductions des chansons dans le système du recueil. L’intérêt de ce manuscrit est le fait qu’il ne soit pas simplement un chansonnier, mais qu’il est semblable aux romans qui contiennent des insertions lyriques. Le narrateur introduit chacune de ses pièces. La superstructure qui organise l’ordre des poèmes, leur encadrement dans le récit des miracles, est devenue de plus en plus complexe du 13e au 14e siècle, d’une manière analogue que dans les romans courtois aux insertions lyriques, ici même, dans les recueils pieux. Dans le Rosarius la mise en abîme, les intercalations sont semblables que dans les romans qui mettent l’accent sur la performance orale.

Nous trouvons 21 poèmes de caractère lyrique dans ce manuscrit ; il y en a un qui est copié deux fois[37]. Ils font tous partie de la narration ; un commentaire les introduit et ils sont suivis souvent de quelques remarques. Dans 7 cas c’est le Nous qui est invité à chanter (par exemple Loons, Chantons), dans 8 cas c’est le Je qui va chanter, et il y a un seul cas pour les suivants : Tu, Marie, un cuer dévot, une belle fille, un moine, Thibaut (Thibaut d’Amiens, et c’est sa prière mentionnée), et une fois « uns », donc quelqu’un sans aucune précision. Si le chanteur, le performant est au singulier, en général le narrateur invite son public à écouter la chanson (cf. fol.63r ‘Oyez’ ; fol. 107r ‘Escoutez’ etc.) Une belle fille est invitée à chanter au folio 253r. Il y a une seule chanson qui est intégrée dans le récit, c’est justement la première copie de RS2114 copiée deux fois. Ici c’est le moine mourant, le héros du récit pieux qui chante sur son lit de mort à l’honneur de la Vierge.[38] A la seconde apparition c’est le Je narrateur, le Rosarius qui chante cette chanson qu’il dit avoir trouvée dans un livre.

C’est le seul double de ce chansonnier pieux. Si on regarde les différences entre les deux copies, on se rend compte qu’elles sont très peu nombreuses, et que même l’attribution n’indique peut-être pas deux sources différentes dans les deux cas.[39] On peut en déduire que le compilateur a copié deux fois la chanson du même modèle, qui est un procédé probablement différent de celui des chansonniers ordinaires. Un livret est donné comme source d’un autre poème encore.[40]

8. Nous pouvons comparer ces solutions (ces introductions) à celles de Gautier de Coincy, qui sont très semblables, mais étant donné que nous n’en trouvons que trois, elles sont moins diversifiées et reflètent que le recueil de Gautier date de bien avant.

Les chansons dans les Miracles de Nostre Dame sont rangées dans quatre sections selon la restitution de Frédéric Kœnig. Le prologue qui précède le premier de ces ensembles se termine par une exclamation.

I Pr 2 vv. 72-74.[41]

Dyable endorment et enchantent

Tout cil qui chantent sen doz chant.

Or escoutez comment j’en chant.

La deuxième série est rangée à la fin de la première partie des Miracles, à la suite de l’histoire de Sainte Leochade. Ce récit se termine ainsi :

I Mir 44 vv. 875-882.[42]

Ci mes arçons est destendus ;

Quant Dieu plaira, s’iert retendus.

N’ai or loisir que plus le tende,

Quar il m’estuet qu’ailleurs m’entende.

Toz a s’amor nos face tendre

Li piteuz roys qui sa char tendre

Por nos toz en crois estendi.

Dites amen, tu autem di.

Ces vers sont suivis par trois chansons, toutes les trois consacrées à la mémoire de la vierge martyrisée : deux prières dans la forme traditionnelle aabccb et une chanson munie de refrain.

La troisième série commence la deuxième partie des Miracles.[43] Ici le prologue se termine avec une formule toute pareille que celle de la première partie :

II Pr 1 vv.409-410.[44]

Or entendez par grant deport

Comment pour li je me deport.

La chanson qui suit reprend la rime de ce couplet, et toute la première strophe joue avec la racine -port- en position de rime. La copiste du manuscrit E (ou bien le copiste de son modèle) pouvait être poussée à encadrer dans son recueil seulement cette première strophe de toute la deuxième série par cette exclamation du narrateur et par la reprise de la rime, malgré sa tendance très marquée d’exclure les chansons du livre des Miracles.

Gautier a rangé à la fin du second livre plusieurs pièces, des oraisons, des saluts qui ont le rôle de clôture pour l’intégralité de l’œuvre. Parmi celles-ci la seule chantée est le salut Entendez tuit et li clerc et li lai, qui dans deux manuscrits est placé au début des Miracles en tant que prélude. Cette chanson n’est pas introduite par la narration, mais les deux premières strophes ont le rôle d’introduction pour le reste du poème. Ce rôle de clôture ou bien d’introduction de la chanson lui attribue un statut spécial, et le fait qu’elle s’adresse aux laïcs et aux clercs, unifiant ainsi son public potentiel, justifie dans nos yeux que Gautier soit pris en considération comme étant au même rang que les trouvères ou les troubadours dans l’histoire de la poésie lyrique. La tradition philologique opère dans la majorité des cas par la séparation des milieux de production et du public, elle distingue ainsi des genres et des registres. Ce point de vue sociologique, comme nous venons de le voir, peut être employé seulement sous réserve.

 

Conclusion :

La littérature profane des laïcs et la littérature pieuse des hommes d’Église sont peut-être séparées, mais plusieurs fils les attachent, comme par exemple la problématique de l’imitation. Par contre, les poèmes religieux des diverses classes sociales doivent être certainement traités sous la même rubrique.[45] Quoiqu’il soit vrai qu’il n’y a qu’une chanson à coup sur attribuable à Gautier de Coincy qui apparaisse dans les chansonniers proprement dits, notamment dans F, mais il y a des poèmes composés par autres auteurs et intégrés par certains compilateurs dans son recueil qui se trouvent aussi dans les chansonniers.[46] Il y a aussi des chansons qui n’ont pas été rangé parmi les poèmes pieux, malgré qu’ils se trouvent dans des recueils de miracles.[47] Pour toutes ces causes les registres ne sont pas clairement délimitables.[48] L’examen des manuscrits qui contiennent des poèmes pieux peut assurer un terrain fructueux pour l’investigation sous deux angles différents. En tant que chansonniers, la notation musicale, le rapport vers-strophe reflété par la graphie, les attributions divergentes ou manquantes et les doubles sont les points cruciaux de la comparaison avec les chansonniers ordinaires, d’un point de vue philologique.[49] De l’autre côté, ces recueils comme structures organisées, avec leurs genres différents, leurs éléments harmoniques, offrent un domaine intéressant pour la réflexion théorique sur la littérature médiévale.

 



[1] Parmi les traités de poétique provençaux la Doctrina de compondere dictats de Jaufré de Foixà est celui qui range dans une catégorie distinguée de la chanson les poèmes d’une thématique religieuse et morale. C’est le lays : « Si vols far lays, deus parlar de Deu e de segle, o de eximpli o de proverbis, de lausors ses feyment d’amor, qui sia axi plazent a Deu co al segle. » (cf. Marshall, J. H., The razos de trobar of Raimon Vidal, Oxford, 1972. p. 95.)

[2] Je pense entre autres aux sirventes de Peire Cardenal, qui, d’un ton moralisateur, parlent de la politique, du déclin des mœurs, et enchaînent dans leurs argumentations des louanges de la Vierge ou de Jésus. Dans le domaine de l’ancien français ce problème se pose encore plus ; cf. les chansons à la Vierge intitulées serventois.

[3] L’énorme majorité de notre corpus pieux provient du 13e siècle.

[4] Grundriss der Romanischen Literaturen des Mittelalters, Vol. VI/1, Tome I. p. 4. Le Grundriss divise très strictement les chansonniers des troubadours et des trouvères, et les autres manuscrits.

[5] La problématique des motets ne sera pas analysée dans cette étude, comme dans le temps et dans son système poétique le motet est éloigné des formes traditionnelles de la poésie courtoise.

[6] Les poèmes du fameux manuscrit de Wolfenbüttel sont rangés dans la partie documentaire du Grundriss sous la même rubrique que les poèmes troubadouresques, mais ils sont mis à part dans l’examen du genre « geistliches Lied » des troubadours. Cf. l’article de Christiane Leube dans le GRLMA, vol. II, Les genres lyriques, t.1, fasc. 5, Heidelberg 1979, pp. 67-76.

[7] István Frank : De l’art d’éditer des textes lyriques, in : Recueil de travaux offerts à M. Clovis Brunel (...) par ses amis, collègues et élèves, Paris, 1955. vol. II, p.465.

[8] Zufferey, François : Recherches linguistiques sur les chansonniers provençaux, Genève, Droz, 1987. L’idée de Zufferey est de réserver « l’appellation de ‘chansonnier’ aux seuls manuscrits originaux renfermant une véritable collection de pièces lyriques », auxquelles, comme il ajoute « peuvent se joindre des textes narratifs ou didactiques ». (p. 4.) Selon ce critère compris au pied de la lettre les manuscrits des Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coincy peuvent être pris en considération comme chansonniers ; notons encore que les plus anciens sont à peu près contemporains avec les plus anciens chansonniers connus. Le plus ancien suit seulement d’une trentaine d’années la mort de Gautier.

[9] Et peut-être les recueils des laude, dont nous ne parlerons pas dans la présente étude. Les recueils mariaux seraient exclus, mais à tort.

[10] Cf. L’article de Allegretti, Paola : Il « geistliches Lied » come marca terminale nel canzoniere provenzale C, Studi medievali, 33 (1992), 721-735.

[11] Le groupe de manuscrits qui nous intéresse est le suivant : le ms. 43 de la Bibliothèque de l’École de médecine de Montpellier, le ms. 535 perdu de Metz (cf. Meyer, Paul : Notice du ms. 535 de la Bibliothèque Municipale de Metz, in : Bulletin de la Société des Anciens Textes français, 12, 1886, p. 42 sqq.), le ms. provençal Extravag. 268. de Wolfenbüttel, les manuscrits des Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coincy, le ms. B. N. fr. 12483, les Miracles de Notre Dame par personnage (B.N. fr. 819-820), et les recueils des Cantigas de Santa Maria, comme les collections des laudi en font partie.

[12] La présence des pièces lyriques n’est pas une règle absolue de la rédaction des recueils de miracles ; nous rencontrons aussi des compilations qui sont privés de chansons : Les Milagros de Santa Maria de Gonzalo de Berceo ou bien le latin Epithalamium beatae virginis Mariae de Jean de Garlande (ce dernier est d’ailleurs en latin et surtout en forme de distique, ce que modifie quand même les frontières entre genres lyriques et épiques). Les Contes moralisés de Nicole Bozon, qui est plutôt une série d’exempla, rapprochés par Långfors à Rosarius, sont aussi privés de chansons.

[13] Les insertions lyriques s’interprètent différemment. D’ailleurs dans le Rosarius et dans les Miracles de Gautier de Coincy il s’agit aussi des insertions, mais cela ne concerne pas les problèmes philologiques que les recueils de chansons peuvent poser (cf. plus bas).

[14] Jeanroy, Alfred : Bibliographie sommaire des chansonniers français du moyen âge, Paris, Champion, 1974. p. 19. Jeanroy parle d’ailleurs de 29 chansons de Gautier, estimant ainsi le nombre des ses chansons authentiques. Les manuscrits (14, selon Jeanroy) de la prière à la Vierge de Thibaut d’Amiens ont subi le même sort : ceux-ci, par exemple le Rosarius, portent ensemble le sigle β. Il est encore plus absurde de supposer un seul texte écrit original de ce poème, une Urversion, qui serait à la base (par la voie de plusieurs intermédiaires) de chacune des 14 copies (cf. Frank et tout ce qu’on sait sur le caractère oral de la transmission des poèmes lyriques).

[15] Les manuscrits l’intitulent comme auteur et translateur, mais cela concerne la matière retravaillée dans les miracles. Par exemple le ms. B. N. fr. 22928, fol. 36. : « Ci commence li prologues seur les myracles nostre dame que gautiers prieus de iii moines de saint maart translata. »

[16] Paris, Arsenal 3517-3518. Dans le cas des manuscrits de Gautier de Coincy nous suivons la siglaison de Ducrot-Granderye ; à ne pas confondre avec les sigles des chansonniers.

[17] Jacques Chailley analyse très clairement l’organisation des différentes sections de chants dans le manuscrit D, cf.

[18] Evidemment nous sommes privés d’informations dans le cas de la majorité des manuscrits.

[19] Cf. Ducrot-Granderye, Arlette : Etudes sur les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci, in : Suomalaisen Tiedeakatemian Toimituksia, Sarja B, 25, Helsinki, 1932. p. 37. La supposition des trois rédactions successives dues à l’auteur est dans une légère contradiction avec cette affirmation.

[20] D’ailleurs selon Chailley c’est le manuscrit qui reflète de la façon la plus fiable la structure originale. Je me permets de remarquer en plus qu’il peut être un signe de sa circulation dans un milieu laïc le fait que la miniature qui illustre le chapitre qui commence par : « Gautiers qui est de cors et dame Sers a touz les sers a nostre dame × Cest livre ou a mise sentente × A touz ceus envoie et presente × Qui en cuer ont et en memoire La douce mere au roy de gloire Comme leur sers comme leur frere En dieu et en sa douce mere Touz les salue doucement A iointes mains moult humblement » représente l’auteur dans uns pose d’enseignant, entouré de quatre personnes en habit des laïcs.

[21] A une exception chaque note se trouve à la marge droite des rectos, ce qui pouvait faciliter la recherche de ces annotations.

[22] Il est à remarquer que dans la lettrine P initiale de la chanson Pour la pucele en chantant me deporte au folio 157 nous trouvons une fleur de lys de type angevin.

[23] Huot, Sylvia : From Song to Book. The Poetics of Writing in Old French Lyric and Lyrical Narrative Poetry, Ithaca-London, Cornell University Press, 1987. pp. 66-74.

[24] Huot, op. cit. p. 40.

[25] Ibidem.

[26] Huot, op. cit. p. 69.

[27] Ibidem : « The combination of a lyric corpus with dramatic and narrative poetry by th same author... »

[28] Il y avait d’autres essais d’attribution, tous réfutés, cf. Kœnig, F. Miracles..., vol. 1. introduction.

[29] Ducrot-Granderye p. 59.

[30] Dans le manuscrit B. N. fr. 1533 les deux miniatures qui représentent l’auteur au début des deux livres des miracles nous montrent différemment le moine qui est en train d’écrire. Au folio 36. il a un habit gris, au folio 154. il est en noir (chose bizarre, il n’a certainement pas changer son ordre), et parait être décidément plus vieux, avec une barbe plus marquée. Il y a d’ailleurs un troisième portrait au folio 281v, à la clôture du livre, où la représentation est encore plus différente.

[31] Nous sommes un peu méfiant quant à ce principe de séparation. La problématique des doublets reste à exploiter.

[32] RS 603=748.

[33] Il serait probablement plus juste d’intituler le recueil Rosarium, comme c’est son jardinier qui se nomme Rosarius. Malheureusement le prologue de l’ouvrage qui devrait trancher ce débat est perdu.

[34] Långfors, Arthur : La société française vue par un moine soissonnais 1916. p.513.

[35] « Après quelques vers de transition, l’auteur présente enfin une chanson, un lait ou un dit, souvent de caractère profane. », in Kunstmann op. cit. p. 13.

[36] C’est le RS318, un sirventes, lamentation sur le déclin des mœurs, sans notation musicale, en paire avec RS227a, qui est au contraire une chanson pieuse bilingue, et qui n’est même pas mentionnée dans l’édition de ce corpus par Järnström et Långfors, quoique auparavant Långfors l’ait analysée, cf. sa Notice....

[37] RS2114. Sur la problématique des doubles à voir Brunetti, Giuseppina : Il testo riflesso : Appunti per la definizione e l’interpretazione del doppio nei canzonieri provenzali, in : La filologia romanza e i codici, ed. Saverio Guida, Fortunata Latella, Messina, Sicania 1992. vol. 2. pp. 609-628.

[38] Voici l’introduction de cette chanson : fol. 14vB

Li malades mult fait grant joie

Quar remis est en droite voie

Forvoies estoit malement

Per du dyable l’enchantement

Et a dit de pensee serie

Chier frere ne vees vous mie

Comment avon grant champion

En la pucele marion

Qui les dyables grant assamblee

Par sa vertus a enchaciee ?

Il monte espante grandement

Poy nai eu desesperement

De mon salut × ne fust la dame

Par cui sauvee sera mame

Faitil bon tel dame apeler ×

De cuer servir et honnourer

Et li amer de tout son cuer

Le monde mettre arriere et puer ?

Et les frivoles chanconnetes

Qui ne sont beles ne honnestes

Met arrier robin et mariote

De marie chante ceste note ×Quidem×

[39] Cf. Brunetti op. cit.

[40] Fol. 65v, RS1188.

[41] Kœnig, Frédéric : Les Miracles de Nostre Dame par Gautier de Coinci, TLF, Genève, Droz, 1960.

[42] Kœnig op. cit. tome 3, 1966. p. 248.

[43] Dans le livre de Chailley on lit pour cause d’une faute que c’est la fin, quoique c’est le début de la deuxième partie, juste après le prologue, où ces pièces se trouvent, cf. Chailley p. 21.

[44] Idem p. 280.

[45] Le manuscrit o de Gautier de Coincy contient une rubrique à son début, ‘Chans au Roy Thiebaut’, « par une erreur singulière ». Cela pourrait être un signe de fausse attribution ou bien pourrait prouver que le milieu ou le manuscrit avait tourné, aurait pu connaître un manuscrit des chansons de Thibaut de Champagne. Le problème est que selon la communication personnelle de M. François Avril il paraît plus que probable que cette rubrique soit fausse, et largement post-médiévale, peut-être du 17e siècle. Les raisons de cette tromperie ne sont quand même pas clarifiées. cf. Les chansons de Thibaut de Champagne, roi de Navarre, éd. A. Wallensköld, Paris, Champion 1925. p. XXXVI, note 3. : « Par une erreur singulière ; le ms. Paris, Bibl. nat. f. fr. 2193 porte au dos le titre : Poesies de Thibau roy de Navarre, et au début (fol. 1r) la rubrique : Chans au Roy Thiebaut (cf. Cat. des mss. fr., I, 371, ainsi qu’une notice au fol. 68r du ms. Paris Bibl. nat. f. fr. 12614). Il s’agit d’un recueil des Miracles de Gautier de Coincy. Au fol. 1v de ce ms. une main moderne a corrigé l’assertion du début. » Sylvia Huot explique longuement que la forme « chansons au Chastelain de Coucy » veut dire ses créations. Cf. Huot op. cit. p. 47-48.

[46] La question, si le poème incriminé a fait partie de la structure primitive du chansonnier est pour notre propos secondaire. Dans une telle investigation nous tentons de nous approcher aux lecteurs médiévaux des poètes courtois, même si dans le temps ils sont quelque peu éloignés des trouvères et des troubadours.

[47] Comme nous savons les catégories des genres sont quelque peu floues. La Doctrina de compondere dictats permet aussi que le lays parle des choses séculières.

[48] La poésie des jongleurs qui s’attachent autant à la tradition cléricale qu’à celle des cours complique encore plus la question. Sylvia Huot par exemple prend en considération les manuscrits des oeuvres de Rutebeuf parmi les recueils composés ; mais nous pouvons affirmer avec la soutenance de l’opinion publique, Rutebeuf a été beaucoup influencé par Gautier de Coincy.

[49] Parmi les indices qui distinguent nos compilations de ces autres manuscrits le seul important paraît être la présence constante des commentaires, des gloses, des attributions et des indications de source.